Créer un journal par les temps qui courent ? Un journal papier ? De la pure folie. Qu’importe, Michel Butel l’a fait. Comme il est un peu fou mais pas inconscient, son journal s’appelle L’Impossible. Il sera en kiosque le 14 mars et en librairie le 22. 

L’Impossible réunit des journalistes, mais aussi des écrivains, des photographes, des philosophes, des économistes, des artistes. Dans tous les domaines, il veut porter un regard différent, plus incarné sur le monde : en un mot, être un "événement". "[Un journal] doit troubler. Il doit inquiéter. Il doit émouvoir. Il doit transmettre l’énergie vitale sans quoi nous nous effritons de jour en jour." Et ce, en toute indépendance et sans publicité. Concrètement, on y trouvera de tout, c’est-à-dire des reportages, des enquêtes, des entretiens, mais aussi des lettres, des dessins, des photographies.

Pour Michel Butel, un journal doit être fait comme une œuvre d’art. Dans cette optique, il avait fondé en 1984 L’Autre Journal, mensuel mythique, passé par une phase hebdomadaire et des pérégrinations économiques diverses avant de s’éteindre définitivement en 1992. D’illustres contributeurs peuplaient ses lignes : on y lisait Marguerite Duras, Gilles Deleuze, Michel Foucault, Jean-François Lyotard. L’Impossible s’inscrit dans son souffle en une sorte de continuation.

Alors que tous les grands journaux sont en perte, qu’Internet et les nouveaux médias grignotent de plus en plus le marché de l’information, L’Impossible tient à un format papier. Pour Michel Butel, l’objet compte : un objet qui "tient dans la poche, qu’on garde sur soi, qu’on offre." Pour afficher sa différence, L’Impossible sera d’ailleurs disponible non seulement en kiosque mais aussi sur les étagères des librairies.

Ce positionnement l’inscrit dans une mouvance en vogue actuellement dans une certaine presse indépendante, à vocation alternative, dont on a vu fleurir plusieurs magazines ces derniers temps – Usbek & Rica et XXI, pour ne citer que ces deux là. Affichant une identité forte, décalée par rapport à la presse traditionnelle, ils ont en commun ce soin apporté à l’objet – couverture élégante, graphisme soigné. Ils privilégient les formats plus longs, revendiquent une attention à l’écriture. Prenant leurs distances avec la course à l’actualité, ils font de la réflexion un de leurs arguments, et trouvent leur force dans des couvertures différentes des événements du monde. De ce fait et par leur distribution dans les librairies, ils se positionnent en dehors des circuits de la presse traditionnelle un peu en panne et trouvent leur public et leur place.

XXI affiche un format très long, environ 200 pages, et est trimestriel. Usbek & Rica pratiquait la même périodicité et un prix similaire mais vient de se repositionner pour son dernier numéro à un format plus court, à 5€. Les deux journaux affichent un certain équilibre budgétaire – ils survivent, ce qui est déjà pas mal. L’Impossible se lance avec un format de 128 pages, un prix de 5€, et s’annonce mensuel.

Peut-on conclure de ces aventures que la presse papier a un avenir ? En tout cas, elle a un présent