Les publications sur les sondages sont clivées. Il y a les pour et les contre. La troisième voie n’existe pas. Du côté des contre, on retrouve sans surprise Alain Garrigou et les membres de l’Observatoire des Sondages. Manuel anti-sondages, la démocratie n’est pas à vendre,   coécrit par Alain Garrigou et Richard Brousse propose une vaste critique de la " démocratie sondagière ". Les auteurs s’attaquent en effet aux instituts de sondages, leur modèle économique, leur opacité et leur méthodologie, mais dénoncent également l’omniprésence des chiffres dans les médias, chiffres dont on croit à tort qu’ils reflètent cette opinion publique dont l’existence a été remise en cause par Pierre Bourdieu.

Le même Alain Garrigou cosigne d’autre part avec Patrick Lehingue, professeur de science politique et membre de l’observatoire des sondages, et Rémy Caveng, doctorant en sociologie de la production et des usages de la statistique, Sondages. Souriez vous êtes manipulés   . L’ouvrage est segmenté en trois chapitres qui s’intéressent chacun à un aspect de la critique des sondages. Alain Garrigou, avec " la démocratie au péril des sondages " fait état de l’emprise des études d’opinion dans la vie politico-médiatique. Dans " la fausse science des sondages ", Patrick Lehingue revient sur les questions de méthodologie et met en évidence les défauts de fabrication des enquêtes. Rémy Caveng, enfin, dans " une économie de la précarité ", étudie le sondage avec les outils de la sociologie économique.

Il s’appuie ici sur les conclusions de la thèse qu’il a publiée en février 2011 aux Editions du Croquant, sous le titre, Un laboratoire du " salariat libéral ", les instituts de sondage. Dans cette dernière, il démontre comment le modèle économique des instituts de sondage entre en contradiction avec la réalisation d’enquêtes fiables. En pratiquant le dumping social, ces entreprises inciteraient en effet leurs salariés à " bidonner " pour être plus efficaces et obtenir ainsi une chance d’être à nouveau embauchés lors des prochaines missions. 

Du côté des pro-sondages, on retrouve deux figures exécutives de l’institut OpinionWay, fondé en 2000 et rendu célèbre dans des affaires mettant en jeu l’Elysée.   Denis Pingaud et Hugues Cazenave. Ce dernier publie ainsi La guerre des sondages. Et si les sondages n’existaient pas   dans lequel il évoque les principales critiques adressées aux sondages afin (de tenter) de les neutraliser. Une entreprise d’autojustification dans laquelle il revient sur la méthodologie utilisée par son entreprise concernant les échantillons représentatifs, le médium utilisé (téléphone ou en ligne)…L’auteur tente également de faire des propositions afin d’améliorer la transparence des sondages, notamment la publication des résultats bruts, position à rebours de celle des autres instituts de sondages.

Secret de sondages   , le livre de Denis Pingaud n’est, pour Marianne 2, que le jumeau du précédent . Il entend à son tour tracer une frontière entre les questions qui méritent d’être posées sur les sondages (ergonomie des questionnaires, interprétation publique des données) et les autres, pour lui illégitimes. Il appelle, surtout, à une auto-régulation de la profession par elle-même et réfute la nécessité de légiférer cette pratique.

Ainsi confinée dans des sphères restreintes et polarisées, la question de l’utilité publique et de la légitimité des sondages, risque fort de se réduire encore longtemps à une stricte opposition entre le pour et le contre 

 

Dossier complet

 

Démocratie et démocratisation des sondages, par Antoine Jardin.

L’Opiniongate, par Marion Pinchault.

Quand les sondages exploitent la peur du FN, par Clémence Artur. 

La croisade anti-sondages d’Alain Garrigou, par Pierre Testard.