Un reportage autobiographique tour à tour lucide, drôle et cynique, sur le cancer et ses conséquences.

Marisa Acocella est une New Yorkaise pur jus, on la croirait tout droit sortie d’un documentaire sur ces femmes riches et glamours de la Grosse Pomme. Dessinatrice dans plusieurs journaux, elle est sur le point d’épouser le restaurateur italien le plus en vue chez les gens "hypes". Le 15 mai 2004, sa vie change à tout jamais : Marisa apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. D’une fashionista insouciante, elle devient une femme inquiète, consciente à l’extrême du temps qui passe et des gens qui l’entourent. 

Le ton de Cancer and the City, comme on peut s'en douter dès le titre, n’est pas larmoyant ou pathétique. Au contraire, sans masquer les difficultés et les doutes qui traversent l’auteure, la bande-dessinée se veut avant tout un témoignage d’optimisme et une explication honnête. Pour s’assurer un maximum de fidélité du dessin à la réalité, Marisa Acocella a utilisé un appareil photo et un dictaphone pendant toute la durée du traitement, dès que c’était possible. Elle préparait un reportage dessiné pour le magazine Glamour.

Les couleurs très vives et le trait très fidèle de l’auteure donne à celui-ci un ton très juste. Avant de réaliser Cancer and the City, Marisa Acocella Marchetto recherchait déjà, notamment pour le New Yorker, un ton impertinent mais toujours au plus près de la réalité. C’est cette ambiance que l’on retrouve infusée dans sa bande-dessinée. Elle porte sur son personnage un regard moqueur et très distancié, sans toutefois devenir superficielle ou céder à la facilité. Les passages médicaux sont détaillés et scrutés sans compassion : de la seringue pour la chimiothérapie au diagnostic de l’hôpital, tout est rapporté avec la précision et la rigueur d’un appareil photo.

Ce qui est particulièrement bien rendu, et pour cause, ce sont les sentiments du personnage, ainsi que ses préoccupations au fur et à mesure de l’évolution de la maladie et du traitement. D’abord la recherche désespérée d’une cause : biologique, psychologique, accidentelle. Puis l’acceptation progressive de la maladie et la recherche du meilleur traitement possible, mais aussi l’importance des détails de la vie quotidienne, ceux qui montrent que la vie continue malgré tout, et qu’elle ne doit pas s’arrêter : la nourriture, les chaussures, les amis. Marisa Acocella cherche également des réponses et du courage du côté de la religion, de la médecine, de Google, d’autres malades. Les détails sont omniprésents, parfois amusants : la couleur du rouge à lèvres choisi pour aller à la séance de chimiothérapie. Parfois oppressant, empêchant de s’échapper de la  maladie : nombre de seringues, de minutes à l’hôpital, et toujours cette même question, avant la chimiothérapie : "date de naissance ?"   

Fille d’une créatrice de chaussures, l’auteure met un accent particulier sur ce qui orne les pieds : les siens, ceux du médecin, des infirmières. Les chaussures sont souvent un moyen pratique de passer un message, sur l’état dans lequel se trouve le personnage, et sur sa perception de l’extérieur.

L’album est très agréable à lire, et instructif. L’humour et le cynisme optimiste de l’auteure permettent au lecteur de se plonger dans la lecture sans se sentir tiré par la manche pour se montrer compatissant ou triste par procuration. C’est un réel documentaire, un reportage autobiographique que Marisa Acocella signe ici. À mettre entre toutes les mains.


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Crédit illustration : Marisa Acocella Marchetto, Cancer and the city © Eds de l'Iconoclaste 2007