Depuis la guerre en Iraq, le qualificatif de "français" confine à l’injure dans le débat politique américain. En 2004 déjà, le candidat démocrate était appelé "Monsieur Kerry" ou "Jean Chéri" par des chroniqueurs républicains méprisants. Depuis quelques jours, la vidéo de Mitt Romney ci-dessus rencontre un franc succès. On y voit le candidat à l’investiture républicaine évoquer en 2002 les Jeux Olympiques de Salt Lake City à venir, tandis que les sous-titres, infidèles à son discours, présentent d’anciennes déclarations considérées comme excessivement "libérales". Etrangement, cette vidéo n’est pas une boule puante utilisée par les adversaires républicains de Romney pour lui façonner une image de Français sophistiqué et hautain. Il s’agit d’une campagne d’un Super Political Action Committee   , American LP, dirigée par le communicant "libéral démocrate" TJ Walker, pour rendre aux Républicains la monnaie de leur pièce sept ans plus tard. D’après ce dernier, Romney est le seul candidat "rationnel" de la primaire républicaine et cette vidéo peut servir à le discréditer auprès de l’électorat de droite en rappelant ses opinions centristes. D’après Walker, “le simple fait qu’on le montre en train de parler dans un Français parfait […] va irriter les électeurs de la primaire." ["The mere fact that we can show him speaking French fluently, we believe, is going to irritate primary voters.]. Sans compter que cette campagne publicitaire joue sur la méconnaissance du français partagée par nombre d’internautes qui ne comprennent de cette vidéo que les sous-titres. L’utilisation de cet élément de langage, aussi anecdotique soit-elle, n’en confirme pas moins le changement de perception initié il y a presque dix ans de l’Europe, et de la France en particulier, dans l’opinion américaine. Philippe Roger avait publié une histoire remarquable de la passion française de l’antiaméricanisme   . Peut-être reste-t-il à écrire un livre équivalent sur le mépris américain de l’intellectualisme à la française. A moins que le lent déclin de celui-ci ne retire à cette entreprise le moindre intérêt

* Joshua Keating, "Does Mitt Romney look French ?", Foreign Policy, 14 décembre 2011.