L’Express publiait hier un article posant la question " Etre cultivé, à quoi ca sert ? ", pour ne pas y répondre. Tout au plus l’auteure Elvira Masson justifiait-elle sa question, invoquant la mort de la figure du politique-intellectuel et l’avènement d’un monde où individualisme et rentabilité sont devenus " les principaux moteurs ". Qui pourrait encore le nier lorsque un texte qui entend, malgré tout, défendre la culture, fait état de sa situation dramatique en prenant soin d’évoquer des données chiffrées concernant la production intellectuelle française   et la consommation   ?

Rapidement, le titre provocateur se mue en effet en une réflexion portant sur la déliquescence de la culture générale, à partir de l’ouvrage de Normand Baillargeon Liliane est au Lycée, sans doute pas assez chroniqué sur le site de l’hebdomadaire qui recense déjà deux articles à son sujet. Vaste débat hexagonal   , si l’on en croit la journaliste qui n’hésite pas à parler de " passion française ", s’inscrivant ainsi à sa manière dans la querelle de ces politiques qui se livrent bataille pour défendre l’idée d’une spécificité française, à coup de labels interposés.

Etant donné le nombre moyen de livres lus par année par les Français, il serait difficile d’aller contre les arguments d’Elvira Masson lorsqu’elle fait état de " l’érosion de la lecture ". La nostalgie de nos aînés " qui ne cessent de pleurer un niveau de culture générale tristement tiré vers le bas " qu’elle évoque a quelque chose de gênant néanmoins. De quelle culture parle-t-on ? Certes, le discrédit porté à la culture dite savante, analysée par Bourdieu comme étant une forme de distinction sociale est réel, mais la culture se réduit-elle à la lecture ? 

A voir le succès de la journée du patrimoine, de la nuit blanche ou encore de la nuit des musées, force est de constater que les Français restent avides de cette culture qui rassemble des publics différents. Certes, les ados lisent moins, mais combien continuent de faire de la musique, se revendiquant des idoles rock des années 70 (qu’ils connaissent souvent bien mieux que leurs aînés) ? Combien tiennent des blogs photos bien éloignés des clichés narcissiques de Facebook ? Le succès des classes préparatoires d’art et des facultés de cinéma suffit pour redonner à la génération Y le crédit qu’elle mérite. Enterrez l’intellectualisme si vous le souhaitez, il est encore trop tôt pour inhumer la culture (générale)