La primaire socialiste s'inscrit dans un mouvement global de mutation des pratiques démocratiques. Comprendre la cohérence de ce mouvement est un enjeu essentiel pour les années à venir.#nf#

Si les résultats du premier tour de la  primaire socialiste, la course aux ralliements des deux candidats arrivés en tête et les spéculations sur l’issue du scrutin occupent en ce début de semaine le premier rang de l’actualité, il parait opportun de placer la tenue de ces élections dans son contexte. La tenue de primaires soulève un certain nombre de questions, qui demeurent par ailleurs ouvertes, sur la marche des institutions en France, sur la place des sondages et des médias ou sur des problématiques propre au projet socialiste mais elles peuvent être appréhendée en elles-mêmes à une échelle plus large, celle du processus de mutation dans lequel semble engagée la pratique démocratique. 


Dans une entretien accordé à Mediapart, le chercheur en sciences politiques Yves Sintomer fait le lien entre ce nouveau rendez-vous électoral et le changement des structures de l’action politique. Les primaires pourraient en effet constituer une remise en cause radicale de la centralité des appareils partisans voire révéler comme le dénonce dans son ouvrage le sociologue Rémi Lefebvre, la fin des partis  militants allant de pair avec celle des grandes idéologies. Les primaires socialistes seraient dès lors symptomatiques de la disparition des grandes structures régissant auparavant la pratique de la démocratie dans sa déclinaison représentative.


Elle n’est évidemment pas la seule. La démocratie a en effet ceci de particulier qu’étant à la fois un concept descriptif, permettant de caractériser un système politique, et normatif désignant ce vers quoi il doit tendre, elle se réinvente dans sa pratique en permanence et en son nom propre. Or la question de son renouvellement se pose aujourd’hui en plusieurs termes et à plusieurs types d’acteurs. Elle se pose empiriquement  aux militants et acteurs de la société civile qui se penchent sur de nouveaux modes de prise de décision collective. Les indignés de Paris, de Madrid ou New York dont l’action s’inscrit dans la filiation du printemps arabe procèdent ainsi par tâtonnement et hors des catégories usuelles de la contestation politique. Ils n’adressent pas nécessairement de revendications au pouvoir mais créent un espace de débat nouveau inscrit dans une « géographie symbolique », qui constitue en soi la revendication d’une nouvelle forme d’expression de la légitimité populaire comme le montre cet article éclairant de l’écrivain et universitaire McKenzie Wark (OWNI pour la version française.)


La question du renouveau démocratique se pose également aux chercheurs en sciences politiques qui tendent à s’intéresser sur le plan théorique aux évolutions en cours et à proposer l’adoption par les démocraties modernes de procédés jusqu’ici marginaux comme le tirage au sort. C’est notamment le cas de Gil Delanoi qui travaille sur les conditions de sa réintroduction . Elle se pose pareillement aux responsables politiques amenés à prendre position dans le débat sur les nouvelles formes de la démocratie en tant que moteurs du changement institutionnel.


Mais quelles sont les structures fondamentales de ce mouvement aux expressions multiples ? Quelle est la cohérence d’ensemble de ce changement qui paraît issu d’initiatives dispersées, d’expérimentations sans lien direct les unes avec les autres mais pourtant dirigées dans la même direction ? La remise en cause de la verticalité du rapport traditionnel entre les structures étatiques, les responsables politiques et les citoyens pourraient être une constante, un dénominateur commun mais la question de la mutation démocratique reste ouverte à la réflexion prospective, notamment dans  ses liens avec la réforme du modèle socio-économique. Dans le contexte de crise globale que nous traversons, elle pourrait se révéler aussi prégnante à terme que l’aura été ces dernières années la prise de conscience environnementale.