A l’instar du green concept, le slow est devenu aujourd’hui une nouvelle image de marque pour les altermondialistes. Cette revendication de lenteur dans nos pratiques quotidiennes débute avec la création de l’association italienne Slow food en 1989. L’utilisation du terme slow semble alors davantage s’apparenter à un jeu de mots. En effet, l’association slow food prône moins un droit à la lenteurqu’un modèle de consommation alternatif à la culture montante du fastfood. Elle entend de ce fait défendre les particularités gastronomiques des terroirs contre l’uniformisation de l’offre et la standardisation de fabrication opérées par les multinationales agroalimentaires. L’incitation à prendre son temps pour manger n’est que le fondement d’un projet plus vaste d’éducation par le goût. Il s’agit d’intéresser les individus aux aliments qui se trouvent dans leurs assiettes pour les amener progressivement à une attitude de consommateur responsable, cette dernière consistant à privilégier les produits issus de systèmes agricoles durables. L’idée sous-jacente est que seul le consommateur qui savoure lentement sa nourriture est à même de se sentir concerné par ces questions. 

En vingt ans, l’idée a fait son chemin puisque l’on retrouve désormais, aux côtés du slow food, aussi bien le slow travel, que les slowschools, les slowcities ou encore le slow living. A titre d’exemple, l’association Slow movement divise ses activités en sept secteurs. Avec cette diversification, il semble que la notion de temporalité se soit réellement imposée comme un angle neuf pour critiquer les dérives de la mondialisation telle qu’on la vit. La mondialisation dès lors, n’est plus seulement analysée comme un danger pour la survie de nos environnements naturels ou comme un facteur d’accroissement des inégalités, mais également comme un processus qui change radicalement, voire pervertit, le rapport de l’homme au temps. Dans son ouvrage Le culte de l’urgence. La société malade du temps, Nicole Aubert évoque ainsi l’apparition, concomitante à la mondialisation capitaliste, de deux nouvelles mesures du temps : l’urgence et l’immédiateté. La société des télécommunications nous aurait fait entrer dans le monde de l’information en temps et en heure. Quant à l’avènement du capitalisme, il aurait engendré une valorisation de la vitesse, célébrée comme un critère d’efficacité dans ce monde à la compétition exacerbée. Hartmut Rosa pousse cette idée encore plus loin en faisant de l’accélération l’expérience majeure de la modernité. Comme l’explique Lorraine Rossignol dans Télérama, nous éprouvons tous quotidiennement cette angoisse liée à l’accélération et à la fuite du temps. Elle rappelle en ce sens l’étude faite par Ipsos en 2010 montrant que les individus pensent manquer en moyenne de quatre heures par jour pour réaliser toutes leurs tâches.

On comprend alors l’incroyable efficacité du concept slow pour sensibiliser les individus aux thèses altermondialistes. Contrairement au concept green qui convoque l’imminente catastrophe écologique globale ou notre responsabilité vis-à-vis des générations à venir, le concept slow nous parle de notre expérience journalière de frustration et nous promet un meilleur confort de vie. En conséquence, il peut aussi toucher les plus individualistes d’entre nous 

 

* Pour aller plus loin :

- Gilles Finchelstein, La dictature de l'urgence, par Yolaine Vuillon.

- Hartmut Rosa, Accélération, une critique sociale du temps, par Jérémie Grojnowski.

- Nicole Aubert, Le Culte de l'urgence. La société malade du temps, Flammarion, 2003.

- Karl Honoré, L’éloge de la lenteur, Marabout, 2004.

 
 

* A lire aussi

 

Enquête Ipsos sur rapport au bien être dans la vie active de tous les jours 

-Lorraine Rossignol, Vite, tout le monde au slow, Télérama.fr.

Au secours ! Tout va trop vite, Entretien avec Hermut Rosa, Le Monde.fr.

Gilles Finchelstein dénonce la dictature de l’urgence, entretien de l’auteur, Les Inrocks.fr.