Un ouvrage qui s'intéresse aux défis qui attendent la Fédération de Russie ces prochaines années.
Alors que la Russie "poutinienne" revient sur le devant de la scène internationale, les ouvrages d’analyse se multiplient pour tenter de saisir, et surtout de prédire pour les années à venir, le comportement de ce géant énergétique du Nord. En France, c’est l’apparition de la Russie au concours du Capes et de l’Agrégation qui provoque un flot constant de publications sur le sujet. L’un des derniers ouvrages en date – l’Atlas Géopolitique de la Russie de Pascal Marchand – tente lui aussi d’identifier les enjeux d’un renouveau de la puissance russe. Le format ne prête évidemment pas à une analyse approfondie, il s’agit plus de donner des entrées thématiques que de fournir des études précises.Revenir en assumant un héritage difficile
Deux décennies après la chute de l’URSS, qualifiée par Vladimir Poutine de "plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle", le moment semble opportun pour ouvrir le débat sur un "modèle russe de développement" qui, après la semi - démocratie des années Eltsine, semble revenir avec l’autoritarisme poutinien à une forme plus traditionnelle d’expression du pouvoir politique en Russie. L’Atlas soulève ces questions, ou plutôt les évoque, au détour d’une carte ou encore d’une statistique. Il montre en tout cas l’enchevêtrement complexe qu’il y a aujourd’hui en Russie entre la persistance de dynamiques propres à l’époque soviétique et l’apparition de nouveaux enjeux définis par l’administration Poutine. Le format de l’atlas est ici particulièrement bien choisi, tant il paraît inconcevable de dissocier Russie et espace russe. L’articulation entre puissance et mise en valeur d’un territoire gigantesque définit, dans son cas, les enjeux du développement.
Pour l’instant, la Russie ne réapparaît sur la scène internationale qu’en tant que puissance énergétique mais déjà, elle représente un modèle de développement pour certains de ses voisins d'Asie centrale. À l’heure des "révolutions colorées" qui se sont propagées dans la CEI, le modèle autoritaire russe appuyé par une forte croissance semble de plus en plus attrayant. Le recentrement de la politique étrangère russe sur ce qu’elle désigne communément sous le nom "d’étranger proche" ne peut également être dissocié de cette dynamique. Cette volonté de s’imposer comme puissance régionale en Asie implique de facto une réorganisation de l’espace et une valorisation de régions périphériques, déliées économiquement et politiquement du centre européen . On pense ici à une valorisation des axes de transports terrestres est-ouest comme le transsibérien, mais aussi au développement de centres économiques dynamiques dans des régions où le peuplement reste parcellaire. On pense également à une présence militaire stratégique au moment où l’Asie centrale devient de plus en plus le terrain d’un nouveau "Grand Jeu" qui voit se rencontrer les intérêts de nombreux acteurs internationaux .
Des ambitions encore bridées
D’autres cartes sont également présentes pour faciliter notre compréhension de la société russe. On peut évoquer ici les problématiques centrales de la décroissance démographique et de la baisse de l’espérance de vie. Ce sont deux thèmes centraux sans lesquels il est impossible de comprendre la Russie, deux facteurs qui pèsent sur la définition de la politique étrangère russe et qui articulent en partie sa conception du monde, deux problèmes endémiques, enfin, dont la Fédération devra se défaire en premier lieu si elle veut retrouver une place (ou sa place) dans le "système monde". Souvent occultés ou marginalisés, ils expliquent bien des attitudes voire traduisent une claustrophobie sécuritaire russe.
Autre grand sujet, le demi-enclavement imposé à la Fédération depuis la chute de l’URSS. On touche ici à ce qui est sans doute le premier enjeu géopolitique que devra relever la nouvelle administration. La perte d’une façade sur la Baltique, le retrait significatif de la Crimée, et voilà que la Russie, qui depuis trois cents ans cherche à s’ouvrir un chemin vers les mers européennes, se retrouve de nouveau confinée dans le heartland. Ce besoin de débouchés est d’autant plus vital pour une économie qui est d'abord fondée sur l’exportation de matières premières. Les interactions qui devront être trouvées avec le carrefour biélorusse de Loukachenko mais aussi avec une Ukraine plus démocratique , de même que le redéploiement des infrastructures portuaires dans la région de St Petersbourg sont autant de "fenêtres sur l’Europe" qui devront être aménagées. La situation est similaire en Extrême-Orient où la Russie cherche à diversifier les clients de ses exportations.
Habilement, Pascal Marchand met en relation ces thématiques - et d’autres - sans jamais, pourtant, aller plus loin que la simple mise en perspective d’un problème. L’appréciation de l’enjeu est laissée à la discrétion du lecteur. Il est ainsi difficile d’adresser un réel reproche à l’ouvrage. On peut simplement critiquer le parti pris initial de se contenter d’une synthèse de surface.
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Crédit photo: www.flickr.com/ "Panoramas"