Une biographie honnête et minutieusement renseignée de Bob Dylan par l’un des spécialistes français du rock. 

Déjà auteur de biographies de Miossec   de Jimi Hendrix   ainsi que de la truculente bande dessinée Rock Strips   , le journaliste, essayiste et auteur Vincent Brunner s’attaque aujourd’hui à l’une des personnalités les plus fascinantes de notre époque. Et, sans doute, l’une des plus difficiles à cerner – l’homme est insaisissable et ombrageux, l’artiste est lunatique et à la limite de la mythomanie.

Vincent Brunner a ici la lourde tâche de démêler le vrai du faux, de retracer un chemin traversé de fausses pistes, et de rendre intelligible un parcours tortueux. Son enfance dans le froid et rural Minesotta, l’éveil à l’université de Minneapolis, le départ pour New-York, les débuts concluants à Manhattan, les femmes (Suze Rotolo, Sara Lownds, Carolyn Dennis…), les enfants, la presse, les amis et, bien sûr, la musique, moteur de la vie de Dylan : il s’agit de nous révéler, si ce n’est la vie intime de Dylan, les tenants et aboutissants de sa carrière, souvent liés à sa sphère privée. Le tout avec le style fluide, teinté d’humour et exempt de tout excès de morale qu’est celui de l’auteur.

Près de trois cents pages du récit de sa vie assorti d’une discographie aussi complète que didactique: voilà l’indispensable ouvrage ici présenté par Vincent Brunner, qui a bien voulu répondre aux questions de NonFiction.

 
Nonfiction.fr- S'attaquer à une biographie de Dylan, voilà un challenge... Quelle était votre principale motivation ?
 
Je vais être honnête: il s’agissait d’abord d’une question de timing. L’éditeur était partant pour sortir une biographie à l'occasion des 70 ans de Dylan. J’avais donc six mois pour écrire la biographie d’un monstre sacré, un défi énorme et un peu kamikaze. Heureusement, pour un autre livre, collectif celui-là, Rock Strips Come Back, un ami dessinateur, Drangiag, et moi-même réfléchissions à une histoire courte de bande dessinée mettant en scène l’auteur de "Like A Rolling Stone". Cela faisait donc déjà quelque temps que je me documentais et que j’écoutais en boucle les deux tiers de sa discographie. Ecrire la biographie de Dylan m’a permis de m’immerger de tout mon saoul dans son œuvre gargantuesque... tout en ayant une bonne excuse!
 

 Nonfiction.fr- Vous êtes déjà auteur de plusieurs biographies... En quoi celle de Bob Dylan est différente?

Chaque artiste, à partir du moment où il accède à un degré de célébrité, met en scène sa vie, remixe son passé. C’est normal, c’est humain. Mais Dylan est allé plus loin et ce, dès ses vingt ans. Pour ses premières interviews, il se crée un double fantasmatique, une enfance d’orphelin (alors que ses parents sont bien vivants), de gamin ayant appris des airs folk en suivant des forains… C’est autant un chanteur qu’un raconteur d’histoires, et la sienne le voit enfiler quantités de masques – tant et si bien que l’on ne sait jamais à quoi il joue, s’il s’agit d’une virage artistique, d’une fausse-piste, d’un pied de nez. En tant que biographe kamikaze, il faut arriver à se faufiler dans cet amas brumeux de légendes, rumeurs et fantasmes pour tisser un fil un peu solide de vérité.

 

Nonfiction.fr- Il y a-t-il eu des moments de découragements, et, a contrario, d'euphorie lors de de la construction, l'enquête, la rédaction de cet ouvrage?

La seule frustration vient du temps imparti qui ne m’a pas permis d’approfondir la dernière décennie. Même si, à part un grave accident de santé, il y a peu à raconter, il s’agit d’une période très fertile. Autrement, c’est plutôt l’euphorie qui domine quand on se plonge dans ses disques, ses livres, ses films. Il y a tellement d’intelligence, de poésie, de sens dans la plupart de ses textes que c’en est souvent sidérant.

 

Nonfiction.fr- D'après vous, en quoi Bob Dylan continue t-il à influencer notre société actuelle ?

Il a grandi pendant la Guerre Froide, connu l’espoir puis l’abattement avec JFK, œuvré pour les droits civiques, croisé Martin Luther King. Des personnages et des tournants de l’histoire dont il reste encore des traces et un héritage dans nos sociétés. Surtout, s’il est devenu un chanteur écouté, c’est parce qu’il manie une langue qui peut parler à tous. On dit que Sam Cooke a écrit "A Change Is Gonna Come" après avoir entendu, jaloux, "Blowin’ In The Wind". Inspiré par les textes religieux, il utilisait dans ses chansons contestataires des images universelles. Ce n’est pas une coïncidence si, il y a un an, il chantait "The Times They Are A-Changin" à la Maison Blanche.

 

Nonfiction.fr- Par quel album un néophyte devrait-il aborder Dylan?

La période la plus accessible est sans doute 1965-1966 avec comme albums pivot Highway 61 Revisited et Blonde On Blonde. Après, bizarrement, c’est avec son album country que je l’ai découvert, Nashville Skyline… Avec Dylan, il peut y avoir plein de portes d’entrée. Cela étant, il faudrait éviter de commencer avec les albums des années 80 – à part Oh Mercy – qui pourrait décourager le rookie !