Il a voulu en faire le cœur de son programme. Depuis qu’il s’est officiellement lancé dans la bataille des primaires, François Hollande mise sur la jeunesse comme fer de lance : un thème de campagne étendard, que son nouveau compagnon de route, Pierre Moscovici, lui reprochait encore il y a un mois lors de son passage à la Cité des Livres. "La jeunesse ne peut constituer à elle seule un programme électoral", affirmait-il. Pourtant, François Hollande n’est pas le seul à gauche à concentrer ses efforts sur les jeunes pour l’élection présidentielle. Sans doute l’a-t-il dit en premier, mais Martine Aubry s’est empressée de le répéter: "La place que l’on donne à la jeunesse mesure vraiment l’ambition que l’on a pour un pays".
Les mauvaises langues diront qu’il s’agit uniquement là d’un coup électoral : les jeunes de 18 à 25 ans représentent 13% des électeurs. Se focaliser sur leur avenir n’est donc pas un mauvais calcul. C’est d’ailleurs peu ou prou ce que préconisait la note très discutée de Terra Nova, "Quelle majorité électorale pour 2012?", arguant que les jeunes issus des classes moyennes constituent aujourd’hui une grande partie de l’électorat potentiel de la gauche, et demandent par conséquent une plus grande attention.
Le Parti socialiste a travaillé main dans la main avec le Laboratoire des idées et le Mouvement des jeunes socialistes sur le thème de la jeunesse. Début mars, un séminaire collaboratif s’est réuni pour "rendre compte des travaux de chercheurs en sciences humaines et de politiques sur la perception des jeunes sur la société actuelle, sur leurs valeurs, leurs aspirations, leur crainte et leur rapport au politique". Un travail préliminaire aux 30 propositions que porte aujourd’hui Martine Aubry, en tant que candidate tout juste sortie du premier secrétariat du PS.
Que propose le programme officiel du parti ? Tout d’abord la création des 300 000 fameux emplois-jeunes, dont la crédibilité a porté à controverses au sein même du PS. L’instauration, ensuite, du CV anonyme, depuis longtemps demandé par les associations luttant contre les discriminations à l’embauche. La requalification des stages en contrats de travail répond, elle, aux revendications de Génération précaire et au leitmotiv que constitue la lutte contre les stages abusifs et non rémunérés. La mise en place d’une allocation d’études dans un parcours d’autonomie a également été inscrite dans les 30 propositions : une mesure exigée depuis de nombreuses années, notamment par le MJS, mais jamais réalisée. Elle permettrait aux jeunes ayant des difficultés financières de commencer ou de reprendre leurs études supérieures. Enfin, le Parti socialiste entend concentrer ses efforts en matière d’éducation sur le primaire et les premiers cycles universitaires, pour lutter contre l’échec scolaire.
Les autres candidats prennent de la distance avec le programme porté par Martine Aubry. Manuel Valls s’est ainsi déclaré très dubitatif quant aux emplois jeunes et table davantage sur le secondaire en favorisant la formation et l’apprentissage . François Hollande, lui, n’est pas convaincu par l’allocation d’autonomie, craignant que cette mesure passe pour de l’assistanat, et lui préfère un crédit d’études qui prendrait la forme d’un emprunt garanti par l’Etat . Ce dernier propose en revanche un "contrat de génération", permettant aux plus âgés de travailler en tandem avec des jeunes : un employeur gardant un sénior jusqu’à sa retraite et embauchant un jeune de moins de 25 ans en CDI bénéficierait ainsi une double exonération de cotisations sociales. François Hollande met surtout l’accent sur la petite enfance, en promettant de créer près de 400 000 places en crèche, et une refonte des programmes et des calendriers de l’école primaire.
Ségolène Royal n’est pas en reste : on retrouve dans son programme la plupart des mesures phares qu’elle portait déjà en 2007 : la fameuse allocation d’autonomie tant décriée à l’époque, le service civique obligatoire pour les jeunes sortis du système éducatif sans diplôme, l’obligation faite aux entreprises qui touchent des aides de l’Etat d’embaucher un jeune de moins de 25 ans. La candidate entend ainsi créer un "pacte national de confiance pour l’emploi des jeunes". Si le programme d’Arnaud Montebourg ne fait aucune proposition particulière à la jeunesse, on peut néanmoins noter que le candidat se veut depuis longtemps déjà le porte-parole du renouvellement de la classe politique. Il a ainsi signé l’appel de Metz, et fait remarquer avec fierté que la moyenne d’âge de son équipe de campagne est de 35 ans.
Le programme du PS constitue-t-il une grande avancée pour la jeunesse, comme le prétendent les candidats ? La réponse ne saurait être binaire. Les jeunes sont particulièrement soignés dans cette campagne. Pour autant, les grandes déclarations des uns et des autres ressemblent davantage à des effets d’annonce qu’à de réelles ambitions. Difficile en effet de savoir ce qui se cache concrètement derrière la proposition 19 du programme, qui propose un "pacte éducatif entre les professeurs et la nation" et donne la "priorité à la réussite dans le primaire". L’allocation d’autonomie quant à elle est demandée depuis 1997 par l’Unef et le MJS. Son inscription dans le programme du parti est bien entendu une victoire pour ceux qui en défendaient l’idée. Mais les socialistes l’ont beaucoup retouchée afin qu’elle soit consensuelle : alors que le MJS souhaitait une allocation pour tous les jeunes en formation ou en recherche d’emploi, les socialistes proposent une aide ponctuelle sous conditions de ressources, accordée aux jeunes étudiants uniquement. 16 milliards d’euros devront être débloqués pour que cette allocation voie le jour selon Michel Sapin, qui a rapidement précisé, après le discours de Martine Aubry promettant sa création, que ce ne serait pas une priorité du quinquennat. Une manière, sans doute, de rassurer ceux qui doutent de la faisabilité d’une telle mesure en période de crise.
Et les socialistes n’ont pas fini de se diviser sur un des thèmes qui jalonnent la campagne. Ces 300 000 emplois à créer pour les jeunes générations ont fait jaser à droite, et grincer des dents à gauche : la mesure sentirait le réchauffé. Petit retour en arrière : en 1997, il y a eu les "emplois jeunes" ; en 2007, les "emplois tremplins", et le parti réitère aujourd’hui avec les "emplois d’avenir". Des mesures joliment nommées, mais dont l’efficacité est abondamment discutée.
Les jeunes se sentent-ils concernés par ces efforts faits en (ou pour) leur faveur ? François Hollande, qui a été le premier à faire de la jeunesse le cœur de sa campagne, se voit distancé par Martine Aubry chez les jeunes. Cette dernière a par ailleurs opéré un habile rapprochement avec le MJS. Sa présidente, Laurianne Deniaud, a ainsi déclaré que "pour celui qui s’oppose à l’allocation d’autonomie, ce sera plus compliqué que le MJS le soutienne".
Les problématiques de la jeunesse, qu’elle soit diplômée ou non, prennent toujours beaucoup d’importance dans les programmes électoraux. Les différentes mesures des candidats à la primaire n’ont, en ce sens, rien de révolutionnaires. Les jeunes, las, sont habitués aux effets de manche de leurs plus fervents avocats en campagne, qui, une fois élus, se trouvent confrontés à la difficulté de gouverner. Et en oublient leurs promesses.
A lire dans la rubrique "Les idées de la primaire" :
- "L'équilibrisme des grands, le silence des petits", par Clémence Artur.
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