Savoureux journal de bord d’une rock star britannique durant sa tournée américaine, dans les années 70.

Une quarantaine d’années après la première parution de ce Diary of a Rock 'N' Roll Star, les éditions Rue Fromentin reprennent en main cet ouvrage, pour le moins instructif sur le sujet. Les spécialistes Philippe Manœuvre et Philippe Garnier (via un article datant de 1971, paru dans Rock & Folk) se chargent respectivement de la préface et de la postface de cette traduction... Pourtant, il ne faut pas ici s’attendre à un ouvrage d’une haute qualité stylistique. Car c'est sans doute la dernière chose qui incombe vraiment à son auteur, en l'occurence chanteur et guitariste du groupe de rock Mott The Hopple.

Réunis en 1969 par leur amour du glam rock, les Anglais de Mott The Hopple connurent une gloire aussi éclatante qu’éphémère. Après quelques années maudites et des albums souvent passés inaperçus, la fée David Bowie se penche sur leur cas et leur offre "All the Young Dudes". Ce tube en puissance donne son nom à un album qui se hisse dans les charts et les propulse sur le devant de la scène rock internationale. En 1972, gonflé à bloc par un succès pour le moins foudroyant, le groupe se lance dans une tournée américaine à grande échelle. Deux albums (Mott et The Hopple) plus tard, en 1974, le groupe se dissout…

"A travers l'Amérique avec Mott the Hoople" : le sous-titre est explicite. Cinq semaines outre Atlantique, à écumer avions, chambres d’hôtel et backstages d’un confort inégal. Mais, contrairement à ce que le lecteur pourrait attendre, il n’y a que peu de drogues et presque pas de sexe dans les deux cents pages d’USA 1972. Ian Hunter se méfie d’ailleurs comme de la peste des écueils de la vie de rock star, dénonçant la veulerie des groupies, la bizarrerie des fans, la malhonnêteté des organisateurs et autres promoteurs… Malgré les paillettes, tout n’est pas si brillant à cette époque du glam rock - loin s’en faut.

Le principal intérêt de USA 1972 tient sans aucun doute dans la lucidité du regard de Ian Hunter, pour qui jouer dans un groupe de rock est un métier comme un autre (ou presque), avec ses avantages (le succès, le public en liesse, le sex-appeal, les voyages) et ses inconvénients (le stress, la fatigue, être loin de sa famille, faire attention à sa ligne), et loin d’être systématiquement synonyme d’amour, gloire et beauté. Le quotidien d’une rock star peut aussi être répétitif, ennuyeux, procédurier… décevant. Cela, Ian Hunter l’explique très bien en s’attardant sur des anecdotes qui ne le méritaient pas réellement, mais sur sa longueur, l’ouvrage en perd, lui aussi, de l’intérêt. Malgré toute la gouaille et la drôlerie déployées par l’auteur, qui compare avec humour Bryan Ferry à Dracula, une certaine monotonie se fait ressentir… Cependant, vers la fin du livre, le lecteur a néanmoins droit à un savoureux sursaut narratif : après un concert euphorisant, Ian Hunter réussit à s’introduire dans la propriété du légendaire Graceland d’Elvis Presley, et, s’il est éconduit par sa femme de chambre, n’en réussit pas moins à franchir le seuil de la maison du King.

Récit débridé, indéniablement authentique et d’une sincérité frappante, USA 1972 a le mérite de faire (re)découvrir l’existence de Mott The Hopple, un groupe de rock qui n’a pas su tenir la distance, mais qui a eu l’élégance de ne pas s’égarer au Stade de France…. Nonfiction.fr a tenu une rapide conversation avec Ian Hunter, qui n'a rien perdu de sa verve.

 

Nonfiction.fr- Pourquoi avoir écrit USA 1972 ?

Ian Hunter- J’ai toujours eu mauvaise mémoire et je venais tout juste de me marier. J’ai écrit ce livre comme un journal - et non pour ce qu’il a fini par devenir - afin d'exercer mes souvenirs et pour pouvoir y revenir plus tard. De plus, le fait d’être marié signifiait que le côté "social" de l’équation rock’n’roll était désormais hors de question. Il faut aussi savoir s’occuper - faire une tournée est ennuyeux (sauf lorsque vous vous produisez sur scène), et écrire m'occupait.

 

Nonfiction.fr- Qu’en a pensé votre entourage ?

Ian Hunter- Aucune idée de ce que les autres membres du groupe pensent... je ne leur ai jamais demandé. Mon père a pensé se situer un cran au dessus du Rock’n’Roll, ce qui l’a réjoui au plus haut point. 



 

Nonfiction.fr- Ce qui c‘est passé en 1972 pourrait-il se dérouler aujourd’hui ?

Ian Hunter- Non, le passé appartient au passé, le présent au présent. Et Elvis n’est plus.

 


Nonfiction.fr- Quelques anecdotes narrées dans votre livre vous ont-elles particulièrement marqué ?

Ian Hunter- J’ai beaucoup aimé cette nuit où je me suis introduit dans la maison d’Elvis. Joe Walsh était avec nous et ce fut un moment merveilleux. Idiot, mais absolument inoubliable. Si vous ne pouvez pas être stupide à cet âge-là, quand le pouvez-vous ?

 

* Propos recueillis par Sophie Rosemont