Une fois de plus, la Californie apparaît à la pointe de l’initiative publique, en choisissant cette fois-ci l’éducation comme terrain d’expérimentation. Ces derniers temps, le ministère français de l’éducation nationale a tendu une oreille intéressée mais prudente aux recommandations de l’OCDE en matière d’évaluation de l’enseignement, alors que des analyses comme celle du Monde sont venues rappeler l’insuffisance des indicateurs de l’hexagone en ce domaine. Aux Etats-Unis, le district éducatif de Los Angeles Unified a mis les deux pieds dans le plat de l’évaluation de la "valeur ajoutée" dans les établissements publics.

Jason Song et Jason Felch du Los Angeles Times rendent compte, dans un article du 12 avril, d’une décision inédite prise par les administrateurs du second plus grand district éducatif du pays : désormais, les évaluations des établissements scolaires qui seront rendues publiques seront aussi fondées sur la progression des performances des élèves, et non plus sur le seul taux de réussite aux examens finaux. Cette mesure, précipitée par l’initiative du L.A. Times de publier de tels résultats en août dernier, n’est que la première étape d’une série de changements devant mettre au cœur de l’évaluation du système éducatif la notion de "valeur ajoutée". Ainsi, dès le mois prochain, les performances personnelles des enseignants eux-mêmes seront mesurées selon ce principe. Et si l’administration du district s’est pour l’instant engagée à assurer la confidentialité de ces résultats à usage interne, elle a d’ores et déjà engagé des négociations intenses avec les syndicats pour les intégrer à la notation des professeurs.

Cette série de mesures qui plonge le district de L.A. United au cœur d’une polémique nationale sur la fiabilité et les usages potentiels de telles évaluations poursuit un objectif principal : il s’agit de fournir aux parents d’élèves des instruments leur permettant de mesurer l’efficacité propre à chaque établissement, en isolant l’enseignement des facteurs extérieurs et indépendants du contrôle de l’école, tels que le degré d’engagement des parents ou le niveau socio-économique. A cet égard, la publication de la "valeur ajoutée" des établissements a déjà sensiblement modifié la hiérarchie des établissements, notamment en ramenant à une plus juste valeur les résultats de certaines écoles, artificiellement gonflés par la sélection sociale – volontaire ou non – des élèves. 

Si cette nouvelle approche est bien reçue par l’ensemble des acteurs concernés pour l’évaluation des établissements, son application aux personnels éducatifs soulève des critiques. Certains la jugent trop "volatile" pour décider du sort des enseignants, ou déplorent les effets stérilisants d’une obsession des évaluations. A moyen terme, des responsables syndicaux redoutent aussi que l’administration en vienne à utiliser ce nouvel indicateur de manière "punitive". Dans tous les cas, les sociétés européennes et leurs gouvernements confrontés aux impasses de leurs systèmes éducatifs actuels auront sans doute tout intérêt à suivre avec attention les évolutions de cette nouvelle expérience du laboratoire californien 


Pour aller plus loin:

- Jason Sang et Jason Felch, “L.A. Unified releases school ratings using ‘value-added’ method”, Los Angeles Times, 12 avril 2011.