Olivier Cachin signe une anthologie qui, à travers 101 disques embématiques, nous oriente utilement dans la jungle inextricable du hip-hop.
Un jour d’automne 1982, Olivier Cachin découvre le hip-hop dans les rayons de la Fnac, en écoutant le désormais culte The Message de Grandmaster Flash. Depuis, le journaliste a su s’imposer dans les médias (Rapline, L’Affiche, etc.) en tant que spécialiste de cette musique "qui va de Jay-Z à L. I. M., de Dr. Dre à Yannick ou de NTM à Vanilla Ice". Il était donc attendu qu’il se lance dans l’écriture d’un livre qui se veut l’authentique histoire (du rap) en 101 disques essentiels. Pourquoi une anthologie ? "L’approche discographique m’a semblé pertinente, et le classement style “Top 100” offrait au lecteur une possibilité de s’y retrouver dans la jungle des milliers de références disponibles", explique Cachin.Malgré cet aspect énumératif peu engageant, l’on ouvre le livre avec curiosité. Les premières pages frappent fort, avec la préface signée d’un Joey Starr lapidaire ("Le hip-hop est venu nous chercher au bas des blocs.") qui remet en cause la sélection de l’auteur : "Arrête tes conneries, imposteur !" Réaction de l’intéressé : "Ce qu’il y a de merveilleux avec Joey, c’est que le rebelle qui sommeille en lui – enfin, qui est tout le temps réveillé, plutôt – le pousse à critiquer même son propre album solo !" On passe ensuite au premier disque choisi par Cachin, l’innovant This is Madness (1971) des Last Poets, fondateurs de la culture hip-hop. S’ensuivent cent autres références, signées par des artistes qui ne se ressemblent pas : Digital Underground, Arsenik, Missy Elliot, I Am, les Beasties Boys, LL Cool J, Ice T… Du confidentiel au best-seller, du ghetto au business, des pionniers aux gangsters bling-bling, tout y est.
Cette sélection est donc documentée, précise, et intéressante. Elle fait aussi la part belle au hip-hop français tout en n’étant pas (toujours) politiquement correcte. Alors que tout le monde le raille pour ses accointances avec la Star Academy, il est courageux de rappeler l’existence du meilleur album de Passi, Les Tentations (1997). Pour Cachin, la musique et la sincérité comptent aussi, et pas seulement le lifestyle – même si, en ce qui concerne notamment le gangsta rap, celui-ci est moteur de création. C’est cet aspect old school qui séduit, en dénotant une certaine subjectivité qui peut se révéler gênante. En effet, pourquoi deux albums de Doc Gyneco et un seul de Cypress Hill ? pourquoi ce parti pris douteux dans l’affaire Sniper ? pourquoi des Fugees bâclés et une Diam’s portée aux nues? etc. Cette subjectivité est toutefois clairement assumée, voire revendiquée par l’auteur : "Il ne s’agit pas de présenter une liste avec laquelle tout le monde serait d’accord." C’est réussi : nous ne sommes pas toujours d’accord. Mais force est de constater l’utilité de cette anthologie. Bientôt complétée par un deuxième tome, elle a le mérite de rappeler que le hip-hop est nourri d’une intrigante culture, riche de tous les horizons.
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Crédit photo : Scott Eric Williams / Flickr