Selon nous, c'est un Plan massif à destination des quartiers populaires qui devrait être la mesure phare de la gauche en 2012. Un plan massif, et pragmatique, car nos valeurs et principes de gauche doivent nous pousser à agir, mais ne suffiront pas pour inventer des solutions efficaces et novatrices. Ce plan comporterait trois phases également importantes: diagnostic incluant pleinement les habitants des quartiers populaires; expérimentation et évaluation systématique, à petite échelle, de politiques anciennes et d'idées plus nouvelles; déploiement à grande échelle des seules politiques qui se seront révélées les plus efficaces.

 

La première phase supposera d'aller à la rencontre des habitants des quartiers populaires, pour réunir des informations sur leurs difficultés, leurs attentes et leurs initiatives et imaginer avec eux de nouvelles solutions (par le moyen de rencontres individuelles et focus groups par exemple). Le portrait qui en sortira devra faire toute leur place aux multiples différences qui caractérisent les quartiers populaires et l'ensemble de notre société: différences de génération, de genre, de classe, différences ethniques également. Prendre en compte ces différences, ce n'est pas nier l'égalité de tous et favoriser l'éloignement de différents groupes, préférer le communautarisme à la fraternité. Au contraire, c'est se donner les moyens d'analyser et de dépasser les obstacles, les discriminations, les stigmatisations dont certains sont victimes chaque jour, et qui entravent la vraie réalisation de nos valeurs républicaines.

 

Le pragmatisme devra caractériser non seulement cette phase analytique, mais aussi la mise en œuvre de politiques nouvelles. Le temps politique s'accommode mal du principe élémentaire selon lequel toute politique devrait dès que c'est possible, être évaluée à petite échelle avant d'être mise en place nationalement. Ce principe devra pourtant être respecté: le temps et l'argent passés dans ces évaluations sont la contrepartie du gain bien plus considérable qu'il y aura à généraliser uniquement les politiques qui auront prouvé leur efficacité, celles dont le ratio coût-résultat est le plus important. Il est urgent de s'attaquer frontalement aux difficultés auxquelles font face les habitants des quartiers populaires, mais cela prendra du temps.

 

Cette mesure phare pourrait être comprise comme le résultat d'un choix, pour la gauche: celui de jouer les quartiers populaires contre les classes moyennes et d'autres catégories d'électeurs. Il n'en est rien: en s'attaquant aux précarités les plus fondamentales, la gauche apportera la seule réponse possible aux questions d'insécurité; en apportant des solutions aux problèmes auxquels les populations les plus défavorisées font face, elle renouvellera la promesse de l'ascension sociale, elle rassurera les classes moyennes menacées par des trappes à pauvreté, et rétablira une confiance générale dans la capacité du politique à répondre à des défis et à construire une vision d’ensemble, dans laquelle chacun a sa place et où il n’existe aucun Français de seconde zone. En renouant le lien avec les plus démunis et avec les déçus de la politique, en comprenant leurs attentes et en construisant avec eux des façons d’y répondre, ce ne sont pas des intérêts particuliers, mais l’intérêt général que l’on sert.

 
Texte co-écrit par Guillaume Liegey, Arthur Muller et Vincent Pons