Pour Les influences, le philosophe donne son expertise sur les grandes figures de la gauche et les candidats à la présidentielle 2012.

François Mitterrand
Une personnalité complexe s’il en fut. Je n’ai jamais voté pour François Mitterrand. J’ai beaucoup admiré le Mitterrand de la Résistance, celui que j’ai connu extrêmement courageux, plein de panache. C’est pour cela que je l’ai défendu lors de la polémique qui cherchait à le "vichyser". L’homme politique m’a beaucoup moins impressionné et convaincu. Le programme commun était un tissu de sornettes, il a réussi à asphyxier le PCF, mais il a aussi accepté tel quel le libéralisme.

Barack Obama
C’est un sauveur de l’humanité que la situation politique a fait prisonnier. Je crains que cette intelligence, d’une grande lucidité, se retrouve anéantie par l’état régressif de la planète.

Ségolène Royal
Je l’ai soutenue en 2007. Elle est partie d’un très bon pas, et puis elle s’est laissée banaliser par le Parti socialiste. Son action en région va dans le sens d’une politique de civilisation. Mais il lui faut trouver un grand souffle désormais.

Martine Aubry
Régionalement, elle aussi fait des choses très intéressantes. Elle a un esprit de sérieux et de solidité intellectuelle. Mais tout comme "Ségolène", "Martine" parviendra-t-elle à s’affranchir d’un PS qui tire tout le monde vers le bas ?

Dominique Strauss-Kahn
Non, ce n’est pas sérieux pour la gauche. Il représente vraiment le FMI, ce monde de l’argent qui nous mène droit à la catastrophe. Il est le représentant d’un libéralisme très classique.

François Hollande
Il semble qu’il ait des idées, mais changent-elles le logiciel techno de la gauche productiviste ?

Jean-Luc Mélenchon
On l’entend beaucoup, il parle très fort.

Eva Joly
Elle a la grande qualité d’incarner une incorruptible. Mais où se trouve l’écologie politique ?

Nicolas Hulot
On le dit partant, mais après avoir mis de l’écologie dans la politique, saura-t-il mettre de la politique dans l’écologie ?

Arnaud Montebourg, Manuel Valls
En fait, je ne les connais pas.

Edgar Morin
La gauche recouvre quatre sources d’inspiration, jusqu’à maintenant disjointes et concurrentes : le socialisme (société), le communisme (communauté) et l’anarchisme (individu), à quoi on ajoute l’écologie. L’enjeu de ces gauches, désormais, est de se relier de façon complémentaire. Il faut régénérer la gauche en se ressourçant à la fois aux idées de révolte et d’aspiration. Révolte contre tout ce qui dégrade l’homme par l’homme, contre les asservissements et les aspirations. Aspiration, non pas au meilleur des mondes, mais à un monde meilleur.

Si les Français veulent un président de plus de 89 ans...

 

* Cet article a été initialement publié sur Les Influences, par Emmanuel Lemieux, le 25 janvier 2011.