L'abbaye de Maubuisson a accueilli du 28 mars au 3 septembre 2007 l'exposition "Même heure, même endroit", dont le catalogue, édité par Archibooks, est disponible.

L'exposition a rassemblé six artistes, qui chacun à leur manière, explorent le statut de l'image, son rôle dans la constitution de notre réalité, sa capacité à nous rendre présents au monde, face aux autres hommes, à constituer une mémoire de ce qui a eu lieu, mais aussi, à l'inverse, de conduire vers l'oubli.

Ce qui se trouve ici mis en jeu, c'est la position particulière de l'artiste. Ni un simple photographe, ni un reporter, il est un témoin, un "chaman" nous dit Olivier Sécardin dans la préface de l'ouvrage. L'artiste éprouve, ressent, chemine vers les existences, vers ce qui a eu lieu, pour tendre vers l'avenir, l'inventer, lui qui selon la formule "dure longtemps", avec tous les chemins qu'emprunte la pluralité des existences, avec leur croisement dont surgit toujours le possible dans sa précarité.

Les coordonnées de Carlos Castillo ou le "mémorial" destiné à Anna Politkovsakaïa de Pascal Convert dessinent ainsi les contours d'espaces marqués par des drames, érigeant des monuments à la mémoire, non pas dans dans un versant monumental, mais dans une injonction à la pensée, un appel à la réflexion, à la confrontation de notre réalité – si souvent scénarisée comme l'attestent chacun à leur manière le bureau ovale de Benoît Brisat ou les pérégrinations fantasques de Seulgi Lee – avec les images que l'on peut en donner, la mémoire – qui se mue si souvent en un oubli – que l'on veut en transmettre. C'est dans ce même mouvement où le travail artistique fait se mêler esthétique, pensée, existence, lieu et mémoire que s'inscrivent les œuvre de Olga Kisseleva où se posent l'abolition des frontières en même temps que la nécessaire précarité du sens et des certitudes quand se croisent les mondes, quand Grace Ndiritu s'efforce de faire se confronter nos points de vue habituels aux préjugés qui les préforment, au point de faire écran à l'expérience des autres.

Pour mieux manifester ce rôle spécifique des images et des œuvres, le catalogue les met en regard avec des images issues d'agence de presse, avec ces photos qui constituent notre point de vue au quotidien, ces vectrices de notre regard courant, qu'il nous faut apprendre à destituer de son évidence, qui n'est qu'évidence construite, pour interroger nos rapports au monde.

* Disclaimer : Olivier Sécardin est membre de nonfiction.fr, coordinateur des pôles littérature et arts.