Figure historique du Nouvel Observateur, Jacques Julliard a annoncé son départ de l’hebdomadaire de Jean Daniel le mercredi 17 novembre pour rejoindre la rédaction de Marianne. Il quitte ainsi le poste d’éditorialiste qu’il occupait depuis 1978 au Nouvel Obs pour reprendre celui de son concurrent créé par Maurice Szafran et Jean-François Kahn.

Le départ du journaliste et historien a créé un véritable remous au sein de la gauche intellectuelle. Jacques Julliard, qui se revendique de la "deuxième gauche" à l’image de Michel Rocard, Pierre Mendès-France ou Edmond Maire, ne semblait plus adhérer à la ligne éditoriale prise par le Nouvel Observateur depuis l’arrivée de Denis Olivennes à sa direction. Sa tribune "Vingt thèses pour repartir du pied gauche", publiée dans Libération en janvier dernier, n’avait notamment pas enchanté la direction du Nouvel Observateur. Cette remontrance envers la gestion de la crise avait également fait grincer des dents certaines personnalités du Parti socialiste. "Beaucoup de mes amis ont été très surpris par cette critique plutôt abrupte", a noté Jacques Julliard lundi sur France Inter   .

Cependant, si Julliard a reconnu son désaccord avec la direction du Nouvel Observateur, en particulier "sur le constat de la crise et surtout sur les conséquences de la crise économique et financière depuis 2008" dans Masse Critique le dimanche 21 novembre, il souligne qu’il ne faut pas chercher là les raisons de son départ. Il explique dans son papier d’adieu publié le 18 novembre dans Le Nouvel Observateur, son "besoin de rompre avec [son] confort intellectuel et de [se] remettre en cause"   . Il a en effet confié dans l’émission de Pascale Clark lundi se sentir au Nouvel Obs dans une "cage dorée" : "je me confondais avec la tapisserie".

Son départ pour Marianne est donc apprécié par Julliard comme « une nouvelle stimulation »  alors qu’il estime qu’il n’avait "plus guère de chances de peser sur l’avenir du Nouvel Obs : ni sur ses orientations, ni sur sa formule"   .

Son rôle va en effet être valorisé dans l’hebdomadaire de Jean-François Kahn : tandis que son éditorial, relégué derrière  celui de Jean Daniel, était réduit à trois colonnes dans les pages intérieures du Nouvel Observateur, celui qu’il tiendra dans Marianne aura droit à une vraie page en début de magazine chaque semaine. Ce passage du statut de minoritaire au Nouvel Obs à celui de majoritaire dans Marianne devrait aussi se traduire par une hausse de son salaire.

De son côté, la rédaction  de Marianne se félicite de l’arrivée de Julliard, dont elle semble partager nombre d’analyses, notamment celles sur les conséquences de la crise de 2008. Son directeur, Maurice Szafran espère avec ce transfert élargir son lectorat à un public plus intellectuel  et davantage orienté à gauche – universitaires et syndicalistes –, celui-là même qui plébiscitait l’éditorial de Jacques Julliard dans les pages du Nouvel Observateur : "Nous avons en effet estimé indispensable de nous adresser désormais – et Jacques Julliard peut nous y aider considérablement – à des milliers, des centaines de milliers de Français dont nous savons qu’ils sont en accord profond avec les thèses défendues par Marianne, mais dont nous savons aussi que, jusqu’à aujourd’hui, quelque chose les a retenus pour passer à l’acte"   .

Jacques Julliard, dont le premier éditorial dans Marianne paraîtra le 1er décembre, se dit surpris du retentissement déclenché par la nouvelle de son départ du Nouvel Observateur. Elle révèle selon lui "des relations de plus en plus conflictuelles entre les médias, ou du moins de plus en plus concurrentielles"  

 

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