Saint-Saëns est un cas dans l'histoire de la musique : il est surtout connu des mélomanes pour sa Danse macabre et son Carnaval des Animaux. Or, les musicologues voient en lui un bon artisan du renouveau de la musique française. Nous sommes bien en présence d'un compositeur de génie, réalisant de véritables chefs-d'oeuvre dans tous les domaines, admiré par Wagner, Liszt ou Marcel Proust qui s'en est inspiré pour créer le personnage de Vinteuil. L'auteur nous livre ici les clefs de lecture des oeuvres du compositeur français. 

Compositeur et critique musical, Philippe Majorelle s’emploie dans ce petit livre à réhabiliter le compositeur Camille Saint-Saëns (1835-1921) dont l’œuvre s’extrait progressivement du purgatoire où le second XXe siècle l’avait plongée. La mission de l’auteur est donc de sortir de l’oubli les œuvres du musicien et de réévaluer sa place dans l’histoire de la musique. Cette réhabilitation conduit Philippe Majorelle à retracer dans leurs grandes lignes les étapes de la vie du compositeur selon un plan globalement chronologique aboutissant à une conclusion récapitulative. Après un rapide examen du contexte musical où s’enracine la jeunesse de Saint-Saëns, il évoque successivement ses débuts professionnels, ses premiers essais de composition, l’étape de sa maturité et de son triomphe dans les premières décennies de la Troisième République ainsi que le temps de la vieillesse consacré jusqu’au bout à la création. Les principaux faits en lien avec la vie familiale de l’artiste sont évoqués en rapport avec les événements qui ponctuent l’histoire de l’école française du XIXe siècle, comme par exemple la fondation de la Société Nationale de Musique au lendemain de la défaite de 1870 face à la Prusse devenue l’Allemagne. Une bibliographie très sommaire (ne répondant pas aux normes de la recherche universitaire), une chronologie très sélective où se mêlent les émoluments de la vie musicale européenne ainsi que les événements biographiques complètent le récit. S’y ajoutent encore un catalogue thématique correctement établi sur sept pages et une discographie non exhaustive (sur quatre pages). 

 

Le point fort de cet ouvrage réside très certainement dans l’analyse musicologique des principaux opus de Saint-Saëns. Dans un style qui se veut à la fois simple et rigoureux, l’auteur laisse la possibilité à tout amateur de musique d’accéder aux commentaires stylistiques qui occupent la première place, devant les données d’ordre biographique extraites des lectures mentionnées en fin  d’ouvrage. Philippe Majorelle prend le soin de résumer le livret et l’intrigue des principaux opéras de Saint-Saëns et introduit quelques données qui rendent compte de l’accueil fait en leur temps aux divers ouvrages du compositeur. Cet essai de vulgarisation contient toute la noblesse et tout l’élan partisan des auteurs qui s’attachent légitimement à défendre un artiste dont la renommée est depuis longtemps réduite au souvenir laissé par seulement quelques œuvres sauvées de l’oubli par leur caractère exceptionnel et emblématique.

 

Ce livre n’apporte néanmoins aucun élément nouveau, ni sur le plan musicologique, ni sur le plan biographique, ni en matière de contextualisation et d’explication du phénomène musical par les données historiques ou anthropologiques. Il ne remplace pas la biographie écrite par Jean Gallois en 2004, en pendant de celle, ancienne, de Jean Bonnerot. Son titre paraît d’ailleurs maladroit, car la comparaison de Saint-Saëns avec le compositeur allemand ne vaut que dans la bouche de Gounod lorsqu’il découvre pour la première fois la Symphonie pour orgue. Le réflexe, inapproprié selon nous, à fonder à plusieurs reprises le génie de Saint-Saëns sur ses capacités compositionnelles à annoncer dans tel ou tel procédé les générations suivantes (à l’image de Debussy), envisage téléologiquement  l’histoire de la musique, ce qui nous semble maladroit. Le raccourci, pour ne pas dire la confusion, entre "exotisme" et "orientalisme" et le manque de précisions sur certains points ayant trait aux prises de position du musicien font que l’auteur ne s’embarrasse pas de nuances, lui dont la mission consiste clairement à justifier l’importance de Saint-Saëns eu égard à son rôle historique et à la qualité hors norme de ses partitions 

 

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- Jacques Bonnaure, Saint-Saëns, par Stéphane Leteuré.