Cet ouvrage nous livre l'essentiel sur Camille Saint-Saëns (1835-1921), le créateur du Carnaval des animaux. Le compositeur officiel comme l'homme secret qu'il était y est décrit avec justesse, de même que le milieu artistique français et européen dans lequel il évoluait alors.

Préfacé par Jean-François Heisser, l’ouvrage de Jacques Bonnaure (professeur agrégé de lettres et critique musical) permet au compositeur Camille Saint-Saëns (1835-1921) d’intégrer la série des biographies parues depuis 2004 chez Actes Sud dans la collection "Classica". Cette nouvelle venue, fort légitime, permet d’inscrire l’auteur du Carnaval des animaux parmi les musiciens majeurs du XIXe siècle. S’il prétend ne pas faire le procès de ceux qui ont plongé Saint-Saëns dans un long purgatoire, s’il s’efforce de ne pas se réduire à une entreprise de réhabilitation (largement entamée par Yves Gérard d’une part, et plus récemment par Jean Gallois et Philippe Majorelle), ce livre se fixe néanmoins pour mission de démontrer l’importance de Saint-Saëns dans l’histoire de la musique occidentale. Le plan chronologique résume en dix chapitres l’itinéraire du compositeur. Jacques Bonnaure emprunte une démarche classique qui croise le récit biographique à l’analyse des œuvres qui ponctuent la carrière du musicien. Le défi ne consiste pas ici à surenchérir dans l’anecdotique ou à inonder le lecteur de commentaires musicologiques pointus mais à résumer la vie et la production de Saint-Saëns en seulement 167 pages. Un gros effort de concision a été fourni afin de ne rien oublier de l’essentiel : le contexte familial, les années de formation, les traits de personnalité, l’environnement social et musical, les étapes de la carrière, les débats autour de la Société Nationale de Musique ou encore les voyages (leur nombre en Algérie s’élevant à 19 et non pas à 13), les polémiques autour de la musique allemande pendant la Première Guerre mondiale, la relation aux femmes, les collaborations professionnelles. L’auteur porte une attention particulière aux héritages qui façonnent le jeu pianistique de Saint-Saëns (déterminé par son professeur Stamaty) et rappelle combien il est le fruit d’une catégorie sociale, celle de la moyenne bourgeoisie, avide de réussite. Ce résumé biographique restitue en outre l’existence et l’importance des institutions musicales et des salles de concerts dans la carrière d’un artiste dont il rappelle l’exceptionnelle renommée internationale à la Belle Epoque.

 

On remarquera l’occurrence de quelques réflexes généalogiques où Saint-Saëns s’érige en héritier de Bach, de Le Sueur et dans une moindre mesure en annonciateur de la musique moderne. Des réflexes analogiques tendent à trouver la trace de Saint-Saëns dans la musique des générations postérieures (celle de Stravinsky notamment) comme si le génie du compositeur se révélait davantage à la lueur de celui des générations entrées en dissidence avec lui. Mais Jacques Bonnaure évite le piège de l’apologie et se montre scrupuleux dans sa démarche de restitution et d’explication. Son travail informatif résulte d’une série de lectures empruntées à tous les bords de la musicologie (ainsi qu’à Saint-Saëns lui-même) et ne se soumet à aucun dogmatisme. Si le scientisme et le rationalisme si déterminants chez Saint-Saëns méritaient quelques développements sur l’histoire des idées (et pas seulement une référence à Jules Verne), la conclusion aurait pu ne pas se contenter d’une trame strictement événementielle et énumérative. 

 

Le "volume" des informations, volontairement circonscrit par les exigences éditoriales de la collection, atteint un bon équilibre. Des remarques judicieuses alimentent un récit très accessible soutenu en annexe par une chronologie, par des indications discographiques, bibliographiques ainsi que par un index des noms de personnes et des œuvres. Sans prétendre viser l’exhaustivité, cet ouvrage de vulgarisation trouve auprès d’un large public sa vocation à faire sortir Saint-Saëns de l’oubli. Il y réussit sans aucun doute et non sans talent

 
 
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- Philippe Majorelle, Saint-Saëns, le Beethoven français, par Stéphane Leteuré.