L’Observatoire des inégalités propose en cette rentrée 2010 un point sur les inégalités sociales, économiques et culturelles que l’on retrouve dans l’enseignement français. En effet, si l’éducation est sensée être la même partout et pour tout le monde, des disparités persistent selon le milieu social d’origine, le sexe des élèves ou la zone géographique. Avec plusieurs données statistiques sur ces inégalités, l’Observatoire montre et analyse comment l’éducation en France ne fait que renforcer dans le système scolaire les inégalités sociales présentes ailleurs : "Il est vrai que faute de s’attaquer au cœur du fonctionnement du système éducatif, les politiques publiques françaises successives n’apportent pas une grande contribution à la lutte contre les inégalités scolaires. Quand elles ne participent pas à les accroître...".

 

Quelques exemples :

- En 2002, 55 % des élèves inscrits en classes préparatoires aux grandes écoles étaient des enfants de cadres supérieurs ou de professions libérales et 9 % seulement des enfants d’ouvriers ou d’inactifs (Source : Ministère de l’Education nationale, Direction de l’évaluation de la prospective et de la performance, suivi après le baccalauréat des élèves entrés en sixième en 1995).

- Dans les Sections d’enseignement général et professionnel adapté au collège (Segpa), 84 % des élèves sont des enfants d’ouvriers, d’employés ou de personnes sans activité (Source : Ministère de l’Education nationale, Repères et références statistiques 2007).

 

En complément de ces chiffres, l’Observatoire des inégalités propose plusieurs analyses explicatives de ces phénomènes, et également de leur persistance dans le temps, persistance qui favorise la reproduction sociale et la "distinction" propre à l’école étudiées par Pierre Bourdieu dans de nombreux ouvrages. Un article de Jean-Pierre Terrail, sociologue et professeur à l’université Versailles-Saint-Quentin, présente ainsi l’évolution de l’enseignement primaire et secondaire en France au cours du XXe siècle, et les paradoxes entre le système mis progressivement en place et les objectifs "méritocratiques" présents dans les discours : "Le prix de la démocratisation de l’école, qui implique au bout du compte une refonte d’ensemble des structures scolaires comme des façons d’enseigner, peut paraître particulièrement élevé. Les échecs des dernières décennies donnent peu de crédibilité, en ce domaine aussi, aux voies courtes".

 

Marie Duru-Bellat, sociologue et professeur à Sciences Po, présente le rôle même de l’école dans les inégalités d’orientation des élèves selon leur milieu social   : "Alors que, méritocratie oblige, les élèves devraient connaître les destinées scolaires correspondant à leur niveau académique, on observe que, à réussite identique (donc à mérite scolaire identique), celles-ci divergent très largement". La sociologue analyse les différents phénomènes qui agissent dans les différences d’orientation : les enfants d’ouvriers visent en général des études plus courtes et moins sélectives que les enfants de cadres – phénomène d’auto-sélection -, les professeurs sont moins enclins à pousser leurs élèves défavorisés à poursuivre des études sélectives, même s’ils en ont les capacités, et enfin, les asymétries d’information entre les familles et leurs stratégies – choisir d’étudier l’allemand et le latin pour être dans une "bonne" classe par exemple – pèsent ensuite sur l’orientation et la réussite scolaire et sociale des élèves.

 

Ce dossier complet, même si les données peuvent sembler dépassées dans certains cas, présente de multiples intérêts au moment même où de nombreux débats existent sur les meilleures méthodes pour favoriser une réelle démocratisation de l’enseignement et une diminution des inégalités scolaires et sociales

 

* La rentrée scolaire, Observatoire des inégalités, 31 août 2010.

 

A lire sur nonfiction.fr :

- 'Pierre Bourdieu et les élèves de Seine Saint-Denis', par Clémence Niérat.