E. Decouty essaie de démontrer au cours d’un argumentaire peu convaincant, comment l’émergence de l’individu a tué l’information de qualité.
Un complot fait rage en France, sous nos propres yeux, et nous ne nous en rendons pas compte. À l’origine de cette sombre et horrible machination, celle qui va signer la "défaite des médias" et la "mort lente de la démocratie", il y a les "vraies gens". Eric Decouty essaie de démontrer au cours d’un argumentaire très peu convaincant, comment l’émergence de l’individu a tué l’information de qualité et sera bientôt responsable de la mort de la démocratie elle-même. Ce sont les médias et les politiques, en jouant le jeu de la victimisation et de la survalorisation du quotidien et de la fausse proximité avec ces "vraies gens" qui sont les vrais responsables de cette paupérisation du discours politique, et de l’information en général.
Pourtant, le livre d’Eric Decouty ressemble plus à la complainte d’un journaliste élitiste qu’à un argumentaire bien construit. Les solutions qu’il propose en conclusion sont irréalistes. Il ne prend pas du tout en compte la possibilité de "zapper" d’information en information. Ses propositions consistent à renouer avec le débat d’idées et à redonner une place aux intellectuels (mais pas ceux qui passent à la télévision, ceux-là sont corrompus, et font trop de proximité). Grosso modo, Eric Decouty voudrait faire de l’élitisme de masse. Ou éventuellement des masses élitistes. Il prend donc les "vraies gens" pour de vrais idiots, influençables et parfaitement dénués de sens critique. Il les imagine manipulés par les médias et les hommes et femmes politiques, crédules et béats devant n’importe quel discours. Il fustige leurs préoccupations, si terre à terre, s’offusque parce que le fait de pouvoir payer leur caddie les concerne plus que la dette de la France. Mais peut-être qu’Eric Decouty devrait faire ses courses plus souvent, au lieu d’aligner des poncifs et de répéter des théories déjà énoncées par ailleurs.
Pourtant sur Internet, les "vraies gens" usent de leur sens critique constamment, et ont des débats d’idées, comme des conversations plus terre à terre. Ce n’est pas parce que l'Internet permet à tout un chacun de se mettre en avant que le public cesse d’exercer son sens critique. Au contraire, on pourrait dire que la masse d’information sur Internet demande une plus grande distance et un plus grand recoupement des informations aux internautes. Peut-être que leur citoyenneté s’en trouve aiguisée, et non pas atrophiée. Pour finir, Eric Decouty nous livre cette phrase grandiose "nous ne sommes ni vrais, ni faux. J’en ai fait l’expérience"… quelle ironie d’en revenir à son expérience, pour quelqu’un qui vient de passer une centaine de pages à fustiger les gens qui s’épanchent sur leur vie et leurs problèmes.
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crédit photo : pascal.charest / flickr.com