Le 30 juin dernier à la Bellevilloise (Paris XXe), Valérie Pécresse inaugurait en "petites pompes" (au grand mot 250 personnes étaient présentes) son tout nouveau Labo des idées. Présenté comme "un collectif de réflexion républicain, social et écologique", rassemblant "des élus franciliens de toutes les sensibilités de la droite", mais dont les débats seraient ouverts à toutes les sensibilités politiques, le "Labo" s’est fixé pour ambitieux projet de "renouveler le débat public".

 

Cinq "règles d’or" devraient présider à ce renouvellement politique : "l’ouverture" à un certain pluralisme politique dans lequel "des élus et des experts de toutes les sensibilités" sont invités à participer aux débats ; "l’expertise scientifique", par laquelle des experts et des acteurs de la recherche seront amenés à décloisonner les "débats idéologiques" des hommes et femmes politiques ; "la comparaison internationale", soit le recours "systématique" à des experts et des politiques étrangers ; "l’expérimentation" ou la volonté de "tester dans les collectivités franciliennes" les idées "neuves" du Labo ; et "l’enracinement" du Labo en Ile-de-France, car cette région serait "un concentré des atouts et des faiblesses de notre nation".

En pratique, les débats du Labo des idées s’organiseront autour de "Conventions" (réunies tous les trois mois, sur un thème d’actualité), de "travaux pratiques" (expérimentation "sur le terrain" des idées neuves), et du "site Internet" (censé permettre un suivi "en temps réel de l’évolution" du Labo et rassembler "près de cent spécialistes").

 

Renouveler le débat public ?

 

C’est ce que le "Labo" a (in)contestablement réussi à faire en abordant des problèmes totalement inédits tels que "la crise", "le rôle de l’Etat face à la crise", ou encore "les règles à mettre en œuvre" et "les mesures à prendre" pour en limiter les effets.

Nouvelles problématiques donc, auxquelles s’attelaient de nouveaux experts : Jean-Marc Daniel, professeur d’économie à l’ESCP Europe et à l’école des Mines de Paris, qui est aussi chroniqueur au très confidentiel journal Le Monde ; Augustin Landier, agrégé de mathématiques, docteur en sciences économiques et chercheur à l’Ecole d’économie de Toulouse, qui intervient par ailleurs dans cet autre journal confidentiel que sont Les Echos ; Jean-Hervé Lorenzi, docteur en sciences économiques et professeur à Dauphine, auteur (ou contributeur à) de nombreux articles scientifiques et ouvrages économiques ; Romain Rancière, docteur en sciences économiques et professeur associé à l’Ecole d’économie de Paris et… chroniqueur à Libération.

En avançant ces "nouveaux" problèmes et en réunissant de "nouveaux" experts, Valérie Pécresse propose donc un renouvellement "original" du débat public ; un renouvellement postmoderne, pourrait-on dire, qui "bricole et pastiche" les discours et pratiques traditionnels en leur donnant l’apparence d’une grande modernité   .

En d’autres termes, on peut douter de la capacité du Labo à renouveler le débat public, sans d’ailleurs que ne soient mis en cause les économistes mentionnés. Si, à en croire Valérie Pécresse, "l’expertise scientifique" s’avère nécessaire pour décloisonner les "débats idéologiques" des politiques, il n’en demeure pas moins que l’exposition médiatique de ces experts et de leurs idées rend très improbable l’éclosion d’un "printemps d’idées neuves et inédites" au sein du Labo.

 

Le Labo(grattoir) des idées

 

Cela dit, ce n’est pas tant le recours à des problématiques ressassées ou à des experts médiatisés qui est le plus dérangeant dans cette nouvelle entreprise idéologico-politique. Après tout, la politique s’occupe des problèmes des citoyens et la crise en est un, grave de surcroît. De plus, c’est bien aux économistes qu’incombe la tâche de l’analyser et d’éclairer le politique sur les mesures à prendre.

Non, ce qui chagrine davantage c’est le cruel manque d’imagination d’un think tank qui prétend générer et expérimenter des idées, alors qu’il plagie sans gêne le nom de son principal adversaire politique : le Laboratoire des idées du Parti socialiste, actif depuis 2008, et qui malheureusement n’avait pas déposé son nom. Situation inédite de mémoire de namer politique, la légèreté juridique du PS a profité à la légèreté intellectuelle de Valérie Pécresse et son équipe.

 

Hadopi contredite ?

 

Rappelons, pour conclure, que le 15 mai 2009, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, déclarait au micro de la très sérieuse Fun radio à propos de la loi Hadopi : "Sur Internet on arrivera à un régime type radio, avec des droits d’auteur qui seront payés au forfait, on trouvera une solution technique pour ne pas payer quand on télécharge. Mais aujourd’hui il faut qu’on paye quand on télécharge : les disques, les films, ça a de la valeur (…). Le message est clair, la culture a un prix".

La culture se doit d’avoir un prix… le nom propre aussi ! Or Mme Pécresse n’a, à notre connaissance, pas encore payé ses droits d’auteur au Laboratoire des idées du Parti Socialiste. On est ainsi en droit de s’interroger : Valérie Pécresse a-t-elle enfin trouvé la solution technique – à défaut d’être éthique – pour ne pas payer quand on plagie ? Va-t-elle souscrire à un forfait en "accès illimité" aux noms et idées du PS, ou se cantonnera-t-elle au fameux forfait "soir et week end", évidemment moins onéreux ? En cette période de rigueur –que dis-je, de "rilance"   – budgétaire au gouvernement, il est probable que l’intéressée opte pour la seconde solution