Orlando Figes, historien britannique au Birkbeck College de l’Université de Londres, tombe de haut. Auteur de La Révolution russe. 1891-1924 : la tragédie d’un peuple (Denoël, 2007) et Les Chuchoteurs. Vivre et survivre sous Staline (Denoël, 2009), il était reconnu par ses pairs et par le public comme un éminent spécialiste de l’histoire russe. Il a cependant entraîné sa propre chute en postant des commentaires sur Amazon.com visant à attaquer les premiers, et à séduire le second.

Sous les pseudonymes ‘Orlando-Birkbeck’ et ‘Historian’, Orlando Figes s’est répandu en attaques aussi bien contre Rachel Polonsky, auteure de Molotov’s Magic Lantern. A Journey in Russian History (Faber and Faber, 2010) : "This is the sort of book that makes you wonder why it was ever published” [“C’est le type de livres qui vous font vous demander pourquoi ils ont été publiés”] que contre l’ouvrage Comrades. Communism : a World History (Pan, 2008), de Robert Service, professeur d’histoire à Université d’Oxford   , décrit comme "awful  [épouvantable]." Les Chuchoteurs, en revanche, était considéré comme a "fascinating book … [that] leaves the reader awed, humbled, yet uplifted [un livre fascinant… dont le lecteur sort émerveillé et humble quoique grandi]". Lorsque la communauté historienne a commencé à avoir de sérieux doutes sur l’identité de cet internaute mystérieux, et que le Times Literary Supplement (TLS) s’en est fait l’écho, Orlando Figes, par l’intermédiaire de son avocat, a menacé les uns et les autres de poursuites judiciaires. A ce moment-là, comme l’explique Pierre Assouline, l’avocat de Figes, David Price, s’est rétracté en expliquant que l’auteur des commentaires n’était autre que la femme de Figes, Stéphanie Palmer !

Le désaveu fut enfin complet lorsque Figes a révélé au Daily Mail vendredi dernier être l’auteur de cette campagne calomnieuse, et s’est publiquement excusé auprès des acteurs mis en cause. Le journaliste du TLS, Peter Stothard, a bien résumé dans le Guardian le fond du problème soulevé par cette affaire : "There's nothing new about oversensitive writers, and nothing new about anonymous criticism, both of which have existed since time immemorial. What is new and is regrettable is when historians use the law to stifle debate and to put something in the paper which is untrue. [Il n’est pas nouveau que certains auteurs soient trop susceptibles ou que la critique soit anonyme, cela a existé de tous temps. Ce qui est nouveau et regrettable, c’est que les historiens se servent de la loi pour étouffer le débat et publier des contre-vérités dans les journaux.]"

 

A lire sur nonfiction.fr :

- Orlando Figes, Les Chuchoteurs. Vivre et survivre sous Staline, par Sophie Mantienne.