Dans le cadre du partenariat de nonfiction.fr avec le site cartessurtable.eu, retrouvez une fois par semaine sur nonfiction.fr un article qui revient sur un sujet au coeur de l'actualité du débat d'idées. Cette semaine, voici une contribution sur le 'Social', issue du "Petit Lexique à usage socialiste" de Cartes sur Table.
Dénoncer le "dualisme social", lutter contre la "fracture sociale", être le président du "pouvoir d’achat". Si Usbek et Rica, les deux Persans de Montesquieu, arrivaient en France aujourd’hui, nul doute qu’ils attribueraient naïvement ces slogans de campagne au parti socialiste. De par son nom même, il est en effet celui qui doit placer la question sociale – celle relative aux rapports entre les travailleurs et les employeurs, et plus largement aux rapports entre les différentes classes de la société – au centre de ses
préoccupations.
Comment se fait-il dès lors que la droite ait réussi à s’approprier jusqu’à cette thématique ? Comment expliquer que le parti socialiste ait laissé échapper jusqu’à ce mot, "social", pourtant constitutif de son identité ?
La droite a su poser le bon diagnostic. Et a su le faire au bon moment. En 1995, la lutte contre le chômage – l’une des formes les plus cruelles de l’exclusion – était une nécessité. En 2007, le pouvoir d’achat était la première préoccupation des Français. Mais au-delà du diagnostic, force est de se rendre à l’évidence. Le pouvoir d’achat occupe toujours le premier rang des préoccupations : il n’a pas augmenté. Pas plus que le chômage n’a diminué entre 1995 et 1997 et que Jacques Chirac n’a résorbé la fracture sociale, qui s’est même accentuée. Ainsi, si le constat posé par la droite était le bon, elle n’a en revanche apporté aucune solution satisfaisante. Et n’a pas su répondre aux préoccupations sociales légitimes des Français.
C’est là que la gauche a tout son rôle à jouer. C’est là que le parti socialiste doit se réapproprier la thématique sociale. Alors que la crise a révélé les contradictions entre les discours sur le pouvoir d’achat d’un président fasciné par les classes supérieures et la réalité de son plan de relance, il existe pour le parti socialiste de véritables opportunités. Celle d’opposer au "bouclier fiscal" un "bouclier social", rempart pour les Français contre les souffrances de l’exclusion. Celle de construire une véritable réponse sociale à la crise, quand la droite se satisfait de l’absence de résultats de son "sommet social", alors même que la désespérance sociale se traduit tous les jours au travers d’actions et de mouvements sociaux. Au-delà du seul diagnostic, la gauche doit proposer des solutions inédites aux Français, offrir comme alternative au "paquet fiscal" un véritable "paquet social". D’un point de vue historique, face à la montée du chômage de masse et de l’exclusion, seuls les gouvernements de gauche ont d’ailleurs su innover : revenu minimum d’insertion, emplois-jeunes, contrats emploi-solidarité, couverture maladie universelle et couverture maladie universelle complémentaire. Il est temps à nouveau d’innover, face à une droite qui défend le désengagement de l’Etat et remet en cause mois après mois les acquis sociaux des Français. Le non-renouvellement des emplois-jeunes n’a constitué qu’une goutte d’eau dans cette déconstruction systématique.
Se réapproprier la thématique du social pour la gauche est devenu une nécessité dans une société où se creusent les inégalités. Entre 1996 et 2006, 0,1% des salariés les mieux payés ont vu leur salaire progresser cinq fois plus vite que celui de 90% de l’ensemble des salariés. Cela appelle une véritable réflexion, d’une part sur la question du partage de la valeur ajoutée entre profits et salaires, et d’autre part sur la définition d’une politique salariale combinant augmentation du salaire minimum et encadrement des plus hauts revenus.
Instaurer un nécessaire équilibre social relève de la responsabilité du gouvernement et non seulement des partenaires sociaux, dans une société dont les valeurs sont liberté, égalité, fraternité. Auxquelles il faudrait ajouter justice et solidarité. L’Etat doit mener une action sociale et conduire la redistribution des ressources et des richesses. La droite n’a pas su, ou plutôt n’a pas voulu le faire. Face aux creusements des inégalités, c’est au parti socialiste de reprendre la main sur la question de la fiscalité [voir article fiscalité] comme sur celle de la protection sociale [voir article protection sociale].
Ce discours ne sera pas un discours facile à élaborer. La France souffre d’un handicap majeur : le poids excessif des déficits publics et de l’endettement. Agir sur le pouvoir d’achat est d’autant plus malaisé que les finances publiques sont dans le rouge.
Ce discours devra être un discours de vérité, car le parti socialiste doit restaurer sa crédibilité. Mais la production de ce discours est une nécessité, pour pouvoir véritablement penser une économie sociale de marché. Sauver un modèle social français en crise. Et surtout améliorer les conditions de vie des plus défavorisés.