Une bonne idée au début, mais un ouvrage franchement confus.

Dans le dossier de presse du livre Les enfants de Mitterrand, on nous vend Georges-Marc Benamou comme un homme déroutant. En fait, c'est l'ouvrage qui est déroutant, surtout quand on connaît son titre original (modifié juste avant sa sortie en librairie) : L'homme des Présidents. Le sous-titre, lui, n'a pas changé : De la gauche à Sarkozy, l'itinéraire de Georges-Marc Benamou. Le lecteur s'attend donc à lire une biographie analytique de l'intéressé, expliquant le cheminement conduisant un homme militant à gauche vers une conversion à la vulgate sarkozyste... Eh bien ce n'est pas le cas.

Maud Guillaumin a effectivement écrit un livre sur ce qu'elle considère comme Les enfants de Mitterrand. Hormis le premier et le dernier chapitre   , consacrés respectivement à l'enfance de Benamou et à son implication (puis son éviction) de la galaxie Sarkozy, le propos porte surtout sur la création et le développement de SOS-Racisme, les éditos contradictoires du magazine Globe et l’abandon du terrain de la jeunesse par Lionel Jospin. On croise donc aussi souvent Julien Dray et Harlem Désir que Georges-Marc Benamou.

La séduction pour seul talent

Mais ce qu’on retient des prétendus talents de Georges-Marc Benamou, c’est qu’il n’en a pas tant que ça. Présenté par Maud Guillaumin comme un journaliste de génie et un leader né, force est de constater que c’est loin d’être le cas…

Le magazine Globe qu’il a créé et dirigé pendant 10 ans fut sans doute une icône de la gauche libérale-libertaire mais ce fut surtout un total échec éditorial. Aussi nombriliste que germanopratin, il ne s’est jamais bien vendu et ne doit sa survie qu’à la générosité narcissique de Pierre Bergé : le richissime homme d’affaires finançait le journal à hauteur de plusieurs millions de francs par an afin d’y tenir son billet d’humeur   . Recruté ensuite par Jean-Luc Lagardère pour redresser les ventes de L’Evénement du jeudi, George-Marc Benamou a largement échoué : la diffusion s’est écroulée de 16% en un an après son arrivée et après avoir lancé une nouvelle formule coûtant 6 millions de francs, le magazine a disparu définitivement en 2001   .

Le réel talent de Benamou fut de séduire trois personnes qui lui ont servi à la fois de parrains et de chéquiers : Bernard-Henri Lévy   , Pierre Bergé   et Jean-Luc Lagardère   . Grâce aux réseaux et aux ressources de ces trois hommes, le jeune Georges-Marc a pu réaliser ses rêves de puissance : diriger des magazines, côtoyer le gotha, faire la pluie et le beau temps, lancer des tendances et des pétitions… Mais de tout ça, il ne reste pas grand-chose, à part des seniors déçus et des livres controversés.

La légende du courtisan


Ces quinze dernières années, George-Marc Benamou a fait son beurre sur son image de dernier confident du président Mitterrand, celui qui a conservé son amitié jusqu’au bout et recueilli ses confidences jusqu’au dernier souffle   . Quoique très rémunératrice   , cette estampe est un écran de fumée. En réalité, Benamou n’était plus du tout dans les petits papiers de son idole de jeunesse et Jack Lang a même été fermement rabroué par François Mitterrand pour l’avoir invité au diner du réveillon de 1995   .

Ce n’est donc pas pour rien si les derniers amis du président socialiste sont tombés à bras raccourcis sur le journaliste lors de la parution de son Dernier Mitterrand. D’une part parce que c’est un ramassis de mensonges et d’approximations   , d’autre part parce que Benamou ne faisait clairement plus parti du premier cercle. En témoigne son soutien à la candidature de Jean-Pierre Chevènement à la présidentielle de 1995, qui ne fut d’ailleurs que le premier pas d’un lent mais profond glissement vers la droite…

Un livre d’analyse contestable


Les enfants de Mitterrand laisse rêveur sur l’angle retenu et les propos tenus. Maud Guillaumin raconte de drôles de choses, et d’une drôle de façon.

Déjà, sur ce qu’elle appelle "la Génération Mitterrand". En l’espèce, il s’agit de personnalités comme Julien Dray, Harlem Désir, Fadela Amara, David Assouline, Isabelle Thomas ou évidemment Georges-Marc Benamou. En substance : les animateurs de SOS-Racisme et ceux qui gravitaient autour. Pourquoi pas ? Mais là où ça ne tient plus, c’est que l’auteure oppose ces personnes à beaucoup d’autres, dont Ségolène Royal, François Hollande ou Martine Aubry, qui ne seraient que des énarques issus des cabinets ministériels. C’est un peu léger quand on sait ce que leurs parcours doivent à François Mitterrand…

Par ailleurs, à plusieurs reprises, Maud Guillaumin oscille entre l’ode et le panégyrique à la gloire de Bernard-Henri Lévy, ce "philosophe à la voix fiévreuse"   présenté comme l’alpha et l’omega de la pensée de gauche au fil des pages. Avouez que ça tombe plutôt mal alors que BHL vient de s’illustrer en tentant un come-back philosophique critiquant Kant sur la base et avec l’appui d’un certain Jean-Baptiste Botul, qui pense notamment que "la valise à roulettes est une utopie"… mais qui, surtout, n’a jamais existé  

 

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