La guerre aura bien lieu. Jean-Noël Jeanneney sort ce 3 mars une édition mise à jour (à 14 Euros 50) de son livre Quand Google défie l'Europe alors que Bruno Racine sort le lendemain, 4 mars, pour 14 Euros, son pamphlet anti-Jeanneney : Google et le Nouveau Monde. 50 centimes d'écart. Ce n'est pas tout.

L'ancien et le nouveau président de la Bibliothèque Nationale de France se sont donc déclarés la guerre. Racine n'y va pas avec le dos de la cuillère. Du début à la fin de son livre de 150 pages, il vise - et vise bien - Jeanneney, nommément. Taxé d' "idéologue", il détruit un à un ses arguments, condamne ses choix, et l'air de rien, nous livre, page 111, un mini-scoop : pendant qu'il dénonçait Google, Jeanneney tentait de négocier avec le géant Microsoft, allant jusqu'à le faire dans le dos du gouvernement.

Dans son livre, mi-plaidoyer pro-domo (et pro-Sarkozy), mi-pamphlet anti-Jeanneney, Racine avance des arguments très convaincants et multiplie, en bon technicien du dossier, les analyses. C'est toujours stimulant, souvent juste, un peu hallucinant. En particulier, lorsque Racine condamne presque définitivement le projet Europeana, quasiment enterré, ou du moins renvoyé à sa véritable dimension : un petit projet national, qui tente vainement de devenir européen, et qui n'a plus aucune chance de concurrencer le projet de Google. "On aurait pu s'en douter dès 2005, c'est aujourd'hui une certitude" écrit Racine.

Trop souvent techno, saluant les rapports Patino, Tessier et Albanel comme autant de pierres angulaires de la pensée française, Racine soigne ses alliés et plaide en sa faveur. C'est la limite du livre. Mais la charge est salutaire. Enfin quelqu'un qui parle vrai sur Google et n'est pas idéologue.

Parallèlement, Jeanneney, qui est visiblement à court de munitions, sort une nouvelle édition de son livre avec 55 nouvelles pages... pour épingler Bruno Racine. Fier des 14 éditions de son livre à l'étranger (c'est un peu consternant pour ces maisons d'éditions étrangères qu'il y en ait eu 14 pour publier un petit livre somme toute rétrograde et dépassé), il revient sur la polémique date apres date et confirme ses arguments. Le plus drôle, c'est la couleur de la troisième édition de ce livre : la première était bleue, la seconde était blanche, et celle-ci... est rouge.

Pour Bruno Racine, l'objectif est, outre de tailler un costard à son prédécesseur, de se succéder à lui-même et de se voir reconduit à la tête de la BNF. La fin de son mandat est prévue pour avril. Christine Albanel, donnée longtemps favorite, ayant opportunément été dégagée la semaine dernière à France Télécom (son incompétence crasse en matière de numérique a quand même fini par la priver de cette nomination qu'elle espérait encore récemment, surtout que le grand chantier étant la numérisation de la BNF il fallait quand meme un profil plus techno-compatible). Albanel, out, est-ce que la voie est dégagée pour le retour de Bruno Racine ? Lequel est, dit-on, très appuyé par Alain Juppé de la commission Juppé-Rocard (qui a débloqué des millions pour la numérisation de la BNF) et par le Premier Ministre. Ou bien un troisième candidat sortira-t-il de l'ombre ? Défendu à l'Elysée qui ne digère pas la campagne anti-Albanel. Non, franchement, on ne croit pas à la rumeur. Quoi ? Ce n'est pas possible. Alors qu'on annonce PPDA à France Télévisions, vous y croyez, vous, à Jean Sarkozy à la BNF ?