Depuis la fin du dix-neuvième siècle, le réformisme judiciaire français se caractérise par certaines constantes : la prévisibilité des propositions de réforme soumises au débat public ou inscrites sur l’agenda politique et parlementaire (l’indépendance du parquet, la suppression du juge d’instruction, l’institution d’un "habeas corpus à la française") ; la prévisibilité des questions soustraites à ce réformisme (la suppression de l’unité du corps judicaire, la suppression de la garde à vue policière, le rattachement de la police judiciaire à la Justice et non plus au ministère de l’intérieur). Au demeurant, les deux seuls moments réformistes des cinquante dernières années qui, a contrario, ont conçu une vision globale et tectonique de la réforme judiciaire se sont soldés par un "bricolage législatif", soit : la loi du 4 janvier 1993 "portant réforme de la procédure pénale", s’agissant du  Rapport de la Commission Justice pénale et Droits de l’Homme (Rapport Delmas-Marty, 1991)   ; la loi du 5 mars 2007 "tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale", s’agissant du Rapport de la Commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement (Rapport Vallini, 2006).


Les éléments de compréhension de cet atomisme et de cette prévisibilité du réformisme judiciaire – ainsi d’ailleurs que de la prévisibilité des réactions de rejet – sont assez largement connus   : 1) qu’il s’agisse des enjeux socioprofessionnels impliqués par tout projet réformiste (par exemple, la question des carrières des magistrats qu’induit nécessairement l’existence d’un corps de fonctionnaires – fussent-ils des fonctionnaires à statut spécial comme le sont les magistrats de l’ordre judiciaire, au même titre d’ailleurs que les magistrats de l’ordre administratif – dont l’avancement est principalement "au choix" et non à l’ancienneté) ; 2) qu’il s’agisse de l’incommunicabilité entre la culture républicaine (avec sa part d’anti-juridisme, avec son accessoirisation de la procédure par rapport au droit du fond, etc.) dans laquelle est lointainement inscrit le système judiciaire et à laquelle on voudrait précisément substituer une culture libérale, avec son présupposé d’une société capable de s’auto-organiser, avec son érection du jugement judiciaire en instance de la citoyenneté d’une importance égale à la délibération parlementaire, avec la sacralité que le libéralisme attache à la procédure ainsi qu’à l’égalité entre les armes entre les parties au procès.


Les propriétés intrinsèques des discours réformistes ne méritent pas moins d’attention. La dimension proprement rhétorique de certaines ressources argumentatives mobilisées dans ce réformisme est ainsi remarquable. C’est le cas lorsque les majorités politiques successives et les oppositions successives s’imputent des immixtions dans le travail judiciaire sans s’aviser de ce que si ces récriminations se perpétuent, c’est pour cette raison qu’aucune majorité n’a fait les réformes qui puissent annihiler cette rhétorique du soupçon. On suggère ainsi que certaines exigences "éthiques" du débat public manquent tendanciellement au réformisme judiciaire français et que le réformisme contemporain – celui qui a été "cristallisé" par le président de la République le 22 janvier 2009 à l’occasion de son discours de rentrée solennelle de la Cour de cassation – n’échappe pas à ces biais. Les non-dits, les clairs obscurs et les approximations qui caractérisent ce réformisme ne justifieraient pas une attention particulière s’il ne s’agissait pas de droit, soit un système autopoïétique et un langage autonome et autoréférentiel qui ne s’accommodent précisément pas de ce type d’ambiguïtés de l’argumentation.

Séparation des pouvoirs


L’importance que nombre d’acteurs du réformisme judiciaire accordent à la "séparation des pouvoirs" pour en inférer précisément des propositions de toutes sortes, souvent divergentes, obscurcit plus qu’elle n’éclaire le débat français dans la mesure où c’est en tant que catégorie politico-morale que la "séparation des pouvoirs" est ainsi sollicitée. Or cette appréhension subjectiviste de la séparation des pouvoirs n’est pas nécessairement soluble dans le principe juridique de la séparation des pouvoirs dont le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et la Cour de cassation ont opportunément défini la "conception française" (selon l’expression même du Conseil constitutionnel), puisque, en effet, il n’y a pas de substance normative intrinsèque de la séparation des pouvoirs mais des appropriations spécifiques par les systèmes institutionnels nationaux   . Autrement dit, autant la "conception française" de la séparation des pouvoirs est la matrice du système judiciaire français, autant les propositions réformistes les plus libérales (Rapport Delmas-Marty, Rapport Vallini) sont des tentatives de dépassement de cette conception.

Suppression du juge d’instruction

Le Rapport du Comité de réflexion sur la justice pénale (Rapport Léger) remis au président de la République le 1er septembre 2009 restera peut-être à l’histoire comme étant celui qui a déterminé immédiatement la fin du juge d’instruction. Dans cette mesure, le Rapport Léger peut être analysé comme l’aboutissement rationnel des nombreuses expérimentations législatives, plus ou moins hasardeuses (la substitution de la notion de "mise en examen" à celle d’ "inculpation", la collégialité de l’instruction, etc.), tendant à conjurer les conséquences réelles ou supposées de l’ambiguïté foncière du juge d’instruction (un "Maigret doublé d’un Salomon", selon l’expression de Robert Badinter). L’on peut aussi faire l’hypothèse que la réforme inférée du Rapport Léger ne mettra pas un terme au débat français sur la procédure pénale. En effet, le Rapport Léger propose la création d’une procédure unique dans laquelle toutes les investigations pénales seront conduites sous la direction du ministère public. Par suite, les juges d’instruction deviendraient des "juges de l’enquête et des libertés" ayant exclusivement des fonctions juridictionnelles (autoriser les immixtions dans les libertés telles que les écoutes, la "sonorisation" des lieux, les perquisitions demandées par le ministère public et  garantir la loyauté des enquêtes en statuant sur les refus du ministère public d’accéder à des demandes d’actes). Quant aux "chambres de l’enquête et des libertés" envisagées, elles statueraient sur le contrôle de la légalité des actes du parquet et de la police judiciaire. Ce ne sont pas tant ces propositions qui se prêtent à des préventions que le fait que l’une des questions inférées par elles – la question du statut des magistrats du parquet   – ne fasse pas l’objet de réponses susceptibles de faire consensus.


En se prononçant unanimement contre la rupture du lien de subordination entre le parquet et le pouvoir exécutif, le Comité Léger revendique le credo « républicain » qui juge inenvisageable que "le pouvoir exécutif, qui tire sa légitimité du processus démocratique, ne puisse pas définir la politique pénale et la faire appliquer harmonieusement sur l’ensemble du territoire de la République". La puissance de ce crédo est d’ailleurs telle que la suppression du principe de subordination du parquet au pouvoir exécutif suppose vraisemblablement une révision constitutionnelle   , étant précisé qu’une révision ayant cet objet a vainement été tentée en 1999 (projet Guigou)   . Or l’on peut ne pas adhérer à ce crédo, en faisant valoir que la "politique pénale" dont le Gouvernement a la responsabilité politique s’épuise (ou doit s’épuiser) dans l’adoption de textes législatifs ou réglementaires répressifs et dans la modification de ces textes (avec le consentement du Parlement pour les textes législatifs) lorsque leur interprétation et leur application par les tribunaux (à l’initiative du parquet) n’agréent pas au pouvoir exécutif.


Dans cette perspective, il faudrait distinguer une application "harmonieuse" de la loi pénale sur l’ensemble du territoire de la République (cette application étant déterminée par la qualité et la précision des textes répressifs) d’une application "uniforme", "identique" ou "égale" de la loi pénale sur le territoire de la République (cette application justifiant pour sa part la subordination du parquet au pouvoir exécutif et les notes de la Chancellerie portant instructions de politique pénale). Cette distinction est néanmoins brouillée par le Comité Léger puisque celui-ci, en justifiant la subordination du parquet au pouvoir exécutif par une application harmonieuse de la loi pénale sur l’ensemble du territoire suggère qu’il y avait comme une absurdité du credo républicain à avoir durablement justifié cette subordination par une référence à l’uniforme application de la loi pénale sur tout le territoire. C’est, qu’en effet, il y a de nombreuses limites objectives à une application "uniforme" ou "identique" de la loi pénale – pour n’envisager que ce type de loi – sur l’ensemble du territoire : le principe d’opportunité des poursuites ; la multiplicité des mesures alternatives aux poursuites ; la dimension très casuiste du travail de qualification juridique (cette dimension est encore plus vraie en matière pénale qu’en toute autre) ; l’exigence d’une prise en compte de la "personnalité" individuelle et sociale du mis en cause ; le principe de l’individualisation des peines, etc.


Certains membres du Comité Léger – une "minorité", selon le Rapport – ont néanmoins conçu que le maintien du principe de subordination du parquet au pouvoir exécutif serait le tendon d’Achille du Rapport, au point de proposer un alignement des conditions de nomination des parquetiers sur celles des magistrats du siège, soit un "avis conforme" du Conseil supérieur de la magistrature. Ici, on n’est pas loin de l’absurdité logique. Dans la mesure où les conditions spécifiques de nomination, d’avancement et de discipline des parquetiers et leur amovibilité sont et ont toujours été une interface du principe de subordination au pouvoir exécutif, un attribut du pouvoir hiérarchique exercé par le garde des sceaux (et à travers lui le pouvoir exécutif), aligner les parquetiers sur les magistrats du siège revient en définitive à ne plus attacher aucune "sanction" juridique au principe de subordination des parquetiers au pouvoir exécutif, c’est-à-dire à le supprimer implicitement.

Medvedyev contre France

La mobilisation de l’arrêt Medvedyev et autres c. France de la Cour européenne des droits de l’Homme (10 juillet 2008) dans le réformisme judiciaire contemporain – cet arrêt est analysé par beaucoup comme une condamnation de la subordination au pouvoir politique du parquet français   – n’est pas moins problématique. La Cour avait été saisie de la requête de ressortissants ukrainiens, roumains, chiliens et grecs par suite de leur détention par les autorités militaires françaises pendant 13 jours sur un navire intercepté sur le fondement d’un soupçon de transport de quantités importantes de stupéfiants et par suite de leur garde à vue de 2 à 3 jours à Brest. Les requérants alléguaient que leur "droit à la sûreté" avait été méconnu dans la double mesure où leur détention avait été étrangère aux types de privation de liberté admis par la Convention européenne des droits de l’homme (article 5§1) et où ils n’avaient pas bénéficié du droit pour toute personne détenue ou arrêtée "d’être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires (et) d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure" (article 5§2). Dans son arrêt du 10 juillet 2008, la Cour a accédé au premier moyen des requérants mais elle a considéré que la durée de la privation de liberté n’avait pas été déraisonnable au regard des "circonstances exceptionnelles" de l’affaire. Comme il s’est agi d’un arrêt de section et que la Grande chambre de la Cour européenne est saisie, c’est à la seconde que revient le dernier mot.
Le rappel du contexte normatif et procédural de cette affaire sert à montrer que l’on impute à l’arrêt Medvedyev une portée – la condamnation de la subordination des magistrats du parquet au Gouvernement – qu’il n’a pas exactement. Ces appropriations politiques de l’arrêt cèdent à un certain nominalisme qui les porte à naturaliser les notions d’ "autorité judiciaire" ou de "fonctions judiciaires" sans s’aviser de ce que, comme celle de "séparation des pouvoirs", ces notions peuvent avoir et ont des sens et des portées juridiques différents dans les ordres juridiques qui les éprouvent   . En l’occurrence, la signification de la notion d’ "autorité judiciaire" en droit français (sa portée a fait l’objet de nombreuses décisions du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation sur le fondement de l’article 66 de la Constitution) et celle de "magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires" de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme sont d’autant plus distinctes que la Cour européenne revendique un "principe d’interprétation autonome" des notions contenues dans la Convention, un principe qui signifie précisément que les notions et les catégories juridiques de la Convention se définissent sans considération de leurs comparables nationaux. Formulée abstraitement, la question posée par l’arrêt Medvedyev est de savoir comment faire pour que les "magistrats du parquet", bien que faisant déjà partie de l’ "autorité judiciaire" au sens du droit français, soient par ailleurs des "magistrats habilités par la loi à exercer des fonctions judiciaires" au sens de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. Concrètement, la question posée par cet arrêt est plutôt celle des garanties dont certaines décisions des parquetiers français (les décisions intéressant le "droit à la sûreté" et susceptibles d’être préjudiciables aux personnes contre lesquelles elles sont dirigées) doivent être entourées pour que ces décisions satisfassent aux exigences de l’article 5§3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Or les garanties dont il s’agit peuvent être des garanties statutaires, soit – au moins – la suppression du principe de subordination des parquetiers au Gouvernement. Mais ces garanties peuvent être procédurales, à travers la réduction considérable, voire la suppression quasi-générale de la garde à vue policière ou, plus simplement, à travers la dévolution du pouvoir d’ordonner ou de proroger des gardes à vue à des juges, toutes choses qui substantialisent l’habeas corpus au Royaume-Uni ou aux États-Unis.

Habeas corpus ou "Habeas corpus à la française" ?

C’est sans considération de ce qui précède que l’idée d’une loi d’habeas corpus a été développée par le président de la République dans le contexte de l’élection présidentielle de 2007, puis dans son discours de rentrée solennelle de la Cour de cassation le 7 janvier 2009 et dans différentes autres interventions. L’habeas corpus est ainsi, depuis la chute des monarchiens sous la Révolution, le dernier vestige de l’anglophilie juridique française.
De fait, les occurrences de cette idée dans le débat politique français depuis la Libération sont nombreuses. Ainsi, un habeas corpus à la française était supposé découler de l’article 9 du projet de Déclaration des droits du 19 avril 1946 : "Nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites. Nul ne peut être maintenu en détention, s’il a comparu, dans les quarante-huit heures, devant un juge appelé à statuer sur la légitimité de l’arrestation et si ce juge n’a confirmé, chaque mois, la détention par décision motivée." Si cette disposition ne s’est pas retrouvée dans le préambule de la Constitution de 1946 c’est pour cette raison qu’elle était supposée ne rien ajouter ni à la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen (art. 7 et 9) ni au code d’instruction criminelle. Il est remarquable que certains des défenseurs de cette disposition aient semblé convenir d’une absence d’originalité de l’article 9 du projet de Déclaration. La chose était paradoxale si l’on conçoit que les notions de "juge" et de "magistrat" ne se recoupant pas en droit judiciaire français, cette disposition pouvait avoir pour conséquence, par exemple et sur la longue durée, de ne faire relever les décisions de placement en garde à vue policière que des seuls magistrats du siège (les "juges") - et non des magistrats du parquet.
Il reste que l’idée d’un habeas corpus à la française fut encore une référence centrale du débat pénal français des années 1970 : on la retrouve dans le Rapport du Comité d'études sur la violence, le Rapport Arpaillange, le Rapport du Comité d'étude et de réflexion pour une charte des libertés créé par le parti socialiste (Rapport Badinter), le Rapport de la Commission de révision du code pénal, le Rapport de la Commission Rivero sur l'habeas corpus, et même dans l’exposé des motifs de la loi "Sécurité et liberté" (1979-1981). Et, dans toutes ces occurrences, la question plus ou moins escamotée aura été celle des gardes à vue dans le contexte des enquêtes de flagrance ou des enquêtes préliminaires.
Le Rapport Badinter (1976), par exemple, faisait valoir que comme "on ne saurait conserver telle qu'elle est la garde à vue policière", l’habeas corpus s’opposerait à toute mesure privative de liberté qui ne soit pas "décidée" par un "magistrat". Une double ambiguïté était ici manifeste. En premier lieu, "décider" une privation de liberté peut être interprété de manière plus ou moins extensive (et donc plus ou moins libérale) selon que l’on considère que l’habilitation judiciaire doit porter a priori sur le placement en garde à vue ou que l’on considère qu’elle peut intervenir a posteriori pour valider une décision de placement ou de prorogation – qui resterait ainsi une décision initialement policière. En second lieu, s’en remettre à une décision d’un "magistrat" ne tranchait pas la question de savoir s’il s’agirait d’un magistrat du parquet ou d’un magistrat du siège. On se convaincra de ce que le Rapport Badinter était bien travaillé par une indétermination lorsqu’il aura été rappelé que le programme commun de gouvernement formé en 1972 par le parti socialiste et le parti communiste proposait pour sa part une suppression pure et simple de la garde à vue policière.

L’ "efficacité de l’enquête" comme repoussoir

Assez curieusement, cette idée d’un habeas corpus à la française cesse d’être une proposition de droit des acteurs politiques français jusqu’à sa réapparition en 1988 à l’initiative du garde des sceaux Pierre Arpaillange, qui en avait fait l’une des justifications de la réunion de la Commission Delmas-Marty. Il reste qu’entre le "moment Delmas-Marty" et le moment actuel, la ressemblance (l’inscription de l’idée d’habeas corpus dans une vision tectonique de la réforme pénale) n’est qu’apparente. La différence tient à ce à la française revendiqué nouvellement par le président de la République et dont le Rapport Delmas-Marty s’était dispensé, pour accorder sa priorité à la cohérence et à l’exigibilité pratique de la réforme pénale. Car c’est pour vouloir lui aussi un habeas corpus à la française que le président de la République a "escamoté" – suivant une tradition dont on vient de faire la généalogie – la question des gardes à vue dans le cadre des enquêtes de flagrance et des enquêtes préliminaires. Le fait est que le président de la République a donné à la notion d’habeas corpus une signification (la collégialité de la juridiction qui décide de mettre un individu "en prison") qui est tout sauf anglo-américaine, puisqu’il écrivait dans son programme de 2007 : "(…) Je souhaite que notre pays progresse sur la voie des libertés. Plus aucun citoyen ne devra craindre d'être placé sans défense en prison comme cela s'est passé dans la terrible affaire d'Outreau. Je créerai une procédure d'habeas corpus, qui garantira que personne n'est envoyé, ni maintenu en prison, sans qu'une juridiction collégiale statuant en audience publique ne se soit prononcée."   .
Le Comité Léger contourne d’ailleurs de manière "diplomatique" ce contre-sens présidentiel, qui s’était perpétué dans la lettre de mission adressée au Comité. En effet, bien qu’ayant consacré une importance particulière aux mesures privatives de liberté avant le jugement (garde à vue et détention provisoire), le Rapport Léger ne se conclut pas moins par cette idée que ce sont toutes ses propositions (y compris les propositions institutionnelles et statutaires ou les propositions relatives au fonctionnement des cours d’assises) qui introduiraient "ainsi dans notre droit ce qui a pu être appelé un « habeas corpus à la française »". En même temps, les propositions du Rapport Léger relatives à la garde à vue (création d’une "retenue judiciaire" de six heures maximum dans les cas où la peine d’emprisonnement encourue est de moins de cinq ans, limitation de la garde à vue aux cas où une peine d’emprisonnement d’au moins un an est encourue, etc.), de même que ses refus (refus de la présence de l’avocat dès la première heure, refus de l’accès immédiat de l’avocat au dossier), substantialisent précisément un habeas corpus à la française dans la mesure où le Comité Léger s’approprie le présupposé français d’une incommunicabilité fondamentale entre les droits du gardé à vue et "l’efficacité de l’enquête"