La tribune publiée par Jacques Julliard dans Libération le lundi 18 janvier 2010 fait débat. L’historien et journaliste donne sa vision des conséquences de la crise économique et des leçons que la gauche doit en tirer. En vingt propositions, Julliard ébauche une critique des excès du capitalisme financier actuel et évoque les options politiques susceptibles d’y remédier.


Nous serions dans un capitalisme d’actionnariat purement spéculatif et désintéressé du bien commun. Cette absence de recherche du compromis et de la discussion a rétabli un pouvoir de classe débridé. Le capitalisme financier hyperpuissant aurait profité de la mondialisation pour mettre en concurrence les travailleurs du monde entier, faire pression sur les salaires et réduire le pouvoir des Etats. Les effets néfastes de ce "néocapitalisme" sont apparus clairement lors de la crise économique de 2008 et rien ne permettrait de dire qu’ils ont été freinés par un retour de la réglementation depuis. Dans ce système, la fin de l’industrialisation a rendu le chômage structurel et la recherche du plein-emploi  dérisoire.


Il y aurait donc un "réensauvagement des rapports sociaux" dans lesquels les syndicats se trouvent acculés et obligés de défendre la préservation de l’emploi et des salaires sans la moindre possibilité de prendre des initiatives positives. L’Union européenne et la deuxième gauche en France auraient été incapables de changer le visage hyperlibéral du capitalisme et d’éviter le risque actuel de populisme. A cet égard, ni le messianisme écologique, ni la foi droit-de-l’hommiste, ni l’hypothèse communiste ne sauraient constituer des solutions pérennes pour refonder nos sociétés sur des bases plus saines. Pour autant, il ne servirait à rien de s’acharner dans la voie de l’antisarkozysme, ou de prôner un rapprochement nécessaire avec le centre sans s’interroger sur la nature du pouvoir politique en place et les aspirations de l’électorat des classes moyennes et populaires. De la même manière, Jacques Julliard considère qu'il serait incohérent de choisir une personnalité issue du monde financier telle que Dominique Strauss-Kahn pour prétendre représenter une alternative crédible au pouvoir actuel.


Ainsi, toutes les forces opposées au néocapitalisme doivent s’unir, les syndicats doivent faire front, le système bancaire doit être au moins partiellement nationalisé, et c’est alors seulement que l’espoir d’un rétablissement d’un système véritablement démocratique et juste émergerait. Certains se sont étonnés cette semaine de voir un de ses principaux inspirateurs enterrer l’idéal autogestionnaire de la deuxième gauche. D’autres, comme Martine Aubry, ont félicité Jacques Julliard pour l’acuité de son analyse

 

* Jacques Julliard, 'Ving thèses pour repartir du pied gauche', Libération, le 18 janvier 2010.