Sur la planète festival, la capitale autrichienne se situe presque aux antipodes de Cannes. Les amoureux du septième art, ceux qui se sentent mal à l’aise sur la Croisette en observant les badauds dont le rapport au cinéma se limite à porter "la-même-montre-que-James-Bond"… se sentiront soulagés, à l’automne, en se rendant à Vienne. 

 

La Viennale, c'est d'abord une programmation, celle de Hans Hurch, qui préside depuis douze ans aux destinées de ce festival très ancré dans l’actualité sociale. Un festival qui vit vraiment par, et pour, le public des films. Cette année, le quartier général était installé sur une péniche, sur le canal du Danube. Des fêtes, des débats et des performances s’y tenaient tous les soirs. Ainsi Susan George (d’Attac) est-elle par exemple venue s’entretenir avec Richard Brouillette, le réalisateur de L’encerclement – La démocratie dans les rets du néolibéralisme.

 

A Vienne, il est assez facile d’accéder aux séances. A côté de la rétrospective, il y a des films en avant-première mondiale mais aussi les meilleurs films sélectionnés dans les autres festivals (Cannes, Venise, Berlin, Locarno, Toronto…), autant de séances de rattrapage pour celles et ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir se rendre à ces derniers. Entre le 22 octobre et le 4 novembre, ont eu lieu pas moins de 345 projections qui ont attiré près de 95 000 personnes. Le taux de remplissage moyen était de 80% mais les différences étaient notables entre les dernières productions confidentielles de Jean-Marie Straub (deux courtes minutes pour Joachim Gatti, rendu borgne cet été par un flash-ball de la police française, et 80 minutes pour la lecture et la récitation de Corneille-Brecht), et des films comme Welcome de Philippe Lioret ou A Serious Man des frères Coen (qui sortira en France le 20 janvier prochain), lesquels ont connu un large succès. 

 

Ce festival, largement subventionné par la mairie socialiste de Vienne, est aussi un festival engagé. C’est ce que reflète le choix des films, mais cela se voit aussi à l’occasion de différents événements. Le discours d’ouverture est bien entendu un moment idoine pour s’exprimer au-delà de l’actualité du cinéma. Ainsi, Hurch a-t-il saisi cette occasion, le 22 octobre dernier, en évoquant la projection organisée au Parlement du film de Haneke, Le Ruban blanc, pour s’indigner de l’élection d’un deuxième vice-président néo-nazi au parlement autrichien. Il s’en est pris en outre au très puissant Kronen Zeitung (3 millions de lecteurs dans un pays de 8 millions d’habitants), critiquant le soutien apporté par ce tabloïd au policier qui a abattu récemment un jeune de 14 ans en lui tirant dans le dos à moins de deux mètres de distance. 

 

Un film de la sélection officielle, Bock for President, qui dresse le portrait de la fondatrice d’une importante association d’aide aux réfugiés, a été montré en avant-première dans un amphithéâtre occupé par les étudiants. Hurch et Allahyari, le réalisateur, sont ainsi venus soutenir les étudiants entrés en rébellion contre la politique universitaire du gouvernement et de l’Union européenne. 

 

C’est aussi le cinéma local qui se dévoile pendant ce festival et derrière Michael Haneke, Jessica Hausner (Lourdes), Ulrich Seidl (Hundstage, Import Export), la relève est déjà assurée. Pour la première fois, un film autrichien, La Pivellina, a d’ailleurs  fait l’ouverture de la Viennale (sortie en février 2010). L’Autriche, ce n’est pas que les montagnes et les électeurs de Jörg Haider : son festival invite à découvrir « l’autre Autriche », celle qui fait écho à la Vienne rouge des années 1918 à 1934.