La critique des dérives autoritaires des démocraties libérales actuelles se prolonge sous la plume de Tzvetan Todorov. Dans un point de vue publié dans Le Monde, le linguiste et philosophe fait l’inventaire des dangers que la démocratie, a fortiori en France, voit émerger en son sein. En effet, Todorov observe que les atteintes répétées au principe de la séparation des pouvoirs sont autant de "menaces sur la démocratie". La mise sous tutelle du pouvoir judiciaire, la perte d’autonomie des médias, l’ingérence dans des domaines par définition indépendantes, comme l’université et l’acceptation morale du principe de délation sont les symptômes de cette maladie rampante.

Pour Todorov, la souveraineté du peuple et la liberté des individus sont les deux principes fondamentaux de la démocratie. Elles sont garanties par un double pluralisme. Le système des partis assure la diversité des opinions. L’autonomie des institutions leur permet de limiter leurs pouvoirs respectifs et de s’équilibrer. Dans la France actuelle, le principe cher à Montesquieu selon lequel le "pouvoir arrête le pouvoir" n’est plus respecté.

Tzvetan Todorov convoque les philosophes humanistes des Lumières, Constant, Condorcet et Montesquieu pour rappeler, à juste titre, que le pluralisme démocratique ne peut constituer un discours de façade dissimulant une pratique de gouvernance de plus en plus personnelle et injuste. Le fondement idéologique de cet écart croissant entre un idéal démocratique et un exercice monarchique du pouvoir n’est autre qu’un ultralibéralisme lâchant les forces aveugles du marché contre le bien commun.

Il y a un peu plus d’un an, Tzvetan Todorov avait publié une analyse méticuleuse des perceptions erronées alimentant le débat sur l’idée de "choc des civilisations". Aujourd’hui, c’est une cinglante critique du bilan de Nicolas Sarkozy à mi-mandat qu’il nous livre

 
*Tzvetan Todorov, ‘Menaces sur la démocratie’, Le Monde, 15 novembre 2009