Un ouvrage stimulant qui replace la théorie des relations internationales au centre de l'analyse de la puissance européenne.

L’Union européenne (UE) a longtemps été envisagée uniquement sous l’angle du "soft power". L’Europe a toujours exercé un pouvoir attractif sur le reste du monde par ses valeurs, ses normes. Elle a cependant démontré, au moment des guerres en ex-Yougoslavie, son impuissance dans les Balkans.

Depuis, l’UE s’est dotée de capacités civiles et militaires de gestion des crises et les a mobilisées pour une vingtaine d’opérations conduisant ainsi au renforcement du volet défense de la politique étrangère et de sécurité commune introduite par le Traité de Maastricht en 1992.

L’UE serait-elle devenue un interlocuteur crédible ? La question est posée dans l’ouvrage L’Union européenne et la sécurité internationale. Théories et pratiques (Bruylant), dirigé par René Schwok et Frédérik Mérand. Les auteurs analysent le rôle de l’UE dans les grands enjeux de sécurité à l’aune des principales théories des Relations Internationales. Leur constat est que la PESC (politique étrangère et de sécurité commune) a souvent été traitée sous un angle empirique ou descriptif, mais que les travaux ont plus rarement été orientés sur les apports et les limites des principales théories.

Une telle démarche est pourtant utile "pour comprendre le développement de la coopération dans le domaine de la défense au sein de l’UE et le processus d’institutionnalisation de cette coopération", écrit Bastien Irondelle dans sa contribution. Par exemple, l’approche sociologique, à rebours du réalisme ou du libéralisme, insiste sur le fait que l’UE est devenue beaucoup plus institutionnalisée, "gouvernée par des règles", que ne le concèderait une perspective intergouvernementale. La confrontation avec la théorie permet de mieux comprendre les logiques à l’œuvre dans un domaine crucial pour le devenir de l’Europe comme acteur.

Dans sa contribution, Dorothée Schmid s’intéresse à la politique palestinienne de l’UE "entre les limites du soft power et impasses du réalisme". Un dossier sur lequel, écrit-elle, l’UE s’est efforcée très tôt de coordonner ses efforts diplomatiques (la déclaration de Venise date de 1980).

 



L’intervention européenne semble alors s’inscrire dans une vision libérale : confiance dans la régulation juridique des rapports internationaux, soutien à la solution des deux Etats, définition d’une feuille de route et importance accordée à la coopération multilatérale. Cependant, l’arrivée du Hamas au pouvoir en 2006 et la suspension de l’aide financière directe au gouvernement palestinien marque, selon l’auteur, l’émergence d’un tournant réaliste dans la politique palestinienne des Européens avec la fin du consensus constructif. L’ambition des Européens se limite alors à "la minimisation des pertes financières et du risque sécuritaire" conduisant à la fragilisation de son statut d’acteur dans la région.

L’éclairage à la fois théorique et pratique adopté dans L’Union européenne et la sécurité internationale. Théories et pratiques, étayé par des objets d’étude variés (relations UE-Russie, gestion civile des crises, relations transatlantiques, politique européenne de voisinage, élargissement) permet de mieux comprendre la nature de la PESD. Un point commun relie l’ensemble des contributions : la certitude que l’Union européenne souhaite jouer un rôle en matière de sécurité internationale. C’est pourquoi une théorie mérite d’être récusée : celle des néoréalistes qui situent la PESD dans le rapport qu’entretiennent les Européens avec Washington. La PESD n’est pas comme le souligne Jolyon Howorth et Anand Menon une tentative d’équilibrage doux, un "soft balancing" face aux Etats-Unis, ni même la manifestation d’une volonté française de lier l’Allemagne à son influence

 

* À lire également sur Nonfiction.fr :

- Zaki Laïdi, La norme sans la force (Presses de Sciences Po), par Nicolas Leron.