La question de savoir si la Bibliothèque nationale de France doit ou non passer un accord avec la firme Google afin de bénéficier des services de cette dernière pour mener à bien la numérisation de ses fonds est plus que jamais ouverte. Dernière position en date : celle de l’historien Roger Chartier, dans Le Monde, pour qui « la "république numérique du savoir", pour laquelle plaide avec tant d’éloquence l’historien américain Robert Darnton, ne se confond pas avec ce grand marché de l’information auquel Google et d’autres proposent leurs produits. »


C’est après avoir insisté sur le fait qu’ « un "même" texte , n’est plus le même lorsque change le support de son inscription » et sur le bouleversement qu’induit le numérique dans la relation entre le fragment et la totalité (nous entrons désormais dans un monde de « fragments décontextualisés »), que Roger Chartier avance ses arguments. Il rappelle ainsi que la démarche de Google est avant tout commerciale – en dépit d’une « rhétorique du service public et de la démocratisation universelle ». Le second argument proposé concerne les clauses des accords proposées par Google, « tout à fait inacceptables ». Parmi elles : le secret sur chaque accord passé entre la firme californienne et une bibliothèque, l’interdiction de fusionner des fichiers numérisés par deux bibliothèques différentes, etc.


Roger Chartier appelle en conclusion les pouvoirs publics à ne pas se défausser et à assumer « des investissements culturels à long terme qui leur incombent », les invite à définir un ordre de priorité et réfléchir dès maintenant à la conservation des œuvres parues directement en format numérique

* Roger Chartier, « L’avenir numérique du livre », Le Monde, 26.10.2009


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- « Roger Chartier : continuités et bouleversements des pratiques de lecture à l’heure du numérique », par Nicolas Leron

- Roger Chartier, Ecouter la mort avec les yeux (Fayard), par Guillaume Hanotin