Dans la dernière livraison de la revue Esprit , Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, explique ce qui le pousse à soutenir l’idée d’une mesure de la diversité en France et quelques unes des modalités possibles de sa mise en place. Il me semble indispensable de lire cet appel de Yazid Sabeg qui parvient rarement dans ses nombreuses interventions télévisées à étayer aussi clairement et rigoureusement ses arguments. La télévision est le dernier lieu pour discuter de sujets aussi sensibles sans tomber dans la caricature ou les lieux communs.



M. Sabeg prône la mesure du ‘sentiment d’appartenance à une communauté’ de manière anonyme, en contraste avec la notion d’ethnie, trop choquante pour notre culture républicaine d’égalitarisme "color-blind".  Il justifie le besoin de cette étude en indiquant que l’on ne peut combattre efficacement un problème dont l’ampleur n’est pas identifiée. M. Sabeg ne croit pas aux méthodes employées actuellement  que ce soit pour la mesure de la diversité sur la base du lieu de naissance ou du patronyme, ou pour la lutte contre les discriminations avec le "testing" par CV ou à l’entrée des discothèques.



Au-delà de la difficulté ou de l’aversion de certaines personnes à  se réduire à une catégorie liée à leurs origines ou à la couleur de leur peau,  les nombreuses dérives potentielles inquiètent. Dans ce même numéro de la revue, les réponses de chercheurs, d’un syndicaliste, d’un haut fonctionnaire et d’un responsable de la diversité dans un grand groupe privé forment une vision très complète des problèmes potentiels d’application des suggestions de Yazid Sabeg.



Partant de l’hypothèse que l’on parviendrait à établir une mesure réaliste des diverses communautés présentes en France, comment pourrions nous réduire les discriminations sans passer pas la notion de quota, à laquelle les français sont allergiques ? M. Sabeg suggère, entre autre, la mise en ligne sur Internet d’études indiquant la répartition "ethnique" dans chaque branche professionnelle. Cependant pour qu’une comparaison soit possible, ceci impliquerait une étude interne pour chaque société où l’anonymat serait difficile à protéger. Est-ce que la réponse ne se trouve pas dans une discrimination positive sur le plan social (à l'image, par exemple, des initiatives de Richard Descoings pour Sciences Po) qui aurait des effets sur la diversité 'ethnique' étant donnée la surreprésentation des "minorités visibles" dans les couches sociales les plus basses ?



Espérons que le débat sur cette question se poursuivra aussi sereinement que la discussion dans ce numéro d’Esprit pour vraiment prendre à bras le corps un problème qui empoisonne la vie sociale de notre pays et l’empêche clairement de tirer avantage de la jeunesse et de la diversité de sa population, atouts non négligeables pour le développement économique d’un pays


 

* La mesure statistique de la diversité et des discriminations ethniques (Esprit), 14.05.09.

À ne pas manquer également dans ce même numéro, une clarification des points de blocage sur la réforme des universités par Yves Lichtenberg et un dossier très complet sur l’épineux problème des demandes de levée du secret des origines.

 

 À lire également sur nonfiction.fr :

- Pap Ndiaye, La condition noire. Essai sur une minorité française (Calmann-Lévy), par François Durpaire.

- Claire Frachon, Virginie Sassoon, Médias et diversité : de la visibilité aux contenus (Khartala), par Éric Macé.

- L'article "Débat sur la mesure de la diversité : la mesure du débat" de Camille Renard (26/03/09).

- L'article "Un manifeste pour l'égalité réelle en France après la victoire d'Obama" de Julie Urbach (10/11/09).

- Notre dossier "Discriminations négatives"

 

À lire également : 

Le dernier ouvrage de Louis Schweitzer, président de la Halde (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité) : Les discriminations en France (Robert-Laffont, 12 mars 2009).