Le soir où fermaient les portes du 29e Salon du Livre de Paris, le Syndicat national de l'édition diffusait un communiqué de presse enthousiaste qui titrait "Le livre plébicité par le public". Ce bilan permet de revenir sur les évidents succès des cinq journées, mais aussi sur l'état d'esprit anxieux à l'heure de l'ouverture, et sur les interrogations qui demeurent à la fermeture.

Avant, des craintes

L'édition 2008 avait été préoccupante, avec une forte baisse de la fréquentation, et un état des ventes globalement morose. Cette année, le contexte de crise économique aidant, certains affirmaient que le Salon jouait en cette 29e édition son avenir. Le malaise est exacerbé le 13 mars quand on apprend que la ministre de la Culture et de la Communication n'honore pas de sa présence la soirée d'inauguration. Christine Albanel y délègue, par un geste hautement symbolique, Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d'État chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique. Les inquiets de nature (ou des rétrogrades) craindront que l’importante exhibition de livres électroniques menace d'éclipser les exposants traditionnels, d'autant que le numérique prend dans les pages du catalogue quasiment autant de place que l’invité d’honneur.

Pendant, des succès

Le communiqué de presse fait état d'une belle progression au plan des entrées : avec 198.150 visiteurs, la fréquentation est en hausse de 20% par rapport à l’année dernière. En 2008, 165.000 visiteurs s’étaient déplacés, et en 2007, 186.000. Du côté des éditeurs, les chiffres d’affaires battent des records : "Les ventes réalisées sur les stands des éditeurs, pour la plupart tenus par des libraires indépendants, ont augmenté de 20 à 40 %". Si le Syndicat national de l'édition ne peut fournir de chiffres éditeur par éditeur, une enquête de Livres Hebdo à mi-parcours du Salon démontre que les recettes sont globalement très satisfaisantes, et concernent l'ensemble des maisons d’éditions : de Gallimard, qui affirme un record de ventes depuis cinq ans, à Actes Sud et Plon, où samedi soir, les chiffres d'affaires avaient doublé par rapport à l'an passé au même moment, en passant par La Découverte ou Grasset. Les diverses rencontres organisées apparaissent comme des réussites, puisque "les conférences (plus de 500) ont toutes connu une affluence exceptionnelle". Enfin, deux stars sont nées : l'une, attendue, le Mexique, invité d'honneur, avec 20 000 livres d’auteurs mexicains vendus et avec la consécration des romanciers Paco Ignacio Taibo II ou Carlos Fuentes, et l'autre, la princesse de Clèves, triomphant en badge sur tous les plastrons.

Après, des questions

Parmi le nombre d’entrées, on ne peut connaître le pourcentage d'entrées payantes, de l’ordre de 25% l’année précédente. Si ce nombre est égal ou plus bas, cela mitigerait légèrement le bilan positif et l'ouverture du Salon vers le grand public. Le lieu de la manifestation pour les années à venir suscite doutes et incertitudes. Verra-t-on un retour à la situation d’avant 1994, quand le Salon n’avait pas encore migré du cœur aux portes de Paris? Mais si le Salon a lieu au Grand Palais comme cela semble prévu,  comment loger tant de visiteurs dans cet espace de 10 000 mètres carrés (normalement augmentés du double en novembre 2010), alors que la Porte de Versailles dispose de 50.000 mètres carrés d’espace libre ? Quid dans ce cas de l'image de marque d’un des plus grands Salons d’Europe ? Pour autant, ce déménagement pourrait représenter une aubaine pour les éditeurs ; ils constituent dans l'actuel Salon 90 % des 7 millions investis dans la location des espaces, et se ruinent année après année. Quel esprit enfin animera le Salon l’année prochaine ? Il est prévu que l'édition 2010 soit recentrée sur la production française ; dans cette optique, la proposition de la Turquie a été rejetée. L’invité mexicain, qui a prouvé qu'un pays étranger mis à d'honneur pouvait conduire au succès, conduira peut-être à réexaminer ce choix pour le 30e anniversaire du Salon, programmé du vendredi 19 au mercredi 24 mars 2010

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