David Robichaux est anthropologue à Mexico et professeur invité à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine. Ses travaux portent essentiellement sur la famille et sur la parenté.

 

Nonfiction.fr : Comment se portent les sciences humaines et sociales au Mexique ? La recherche est-elle dynamique dans ce secteur ?

Je pense que, dans le contexte latino-américain, nous avons au Mexique un assez bon système pour appuyer la recherche à travers le CONACYT (Consejo Nacional de Ciencia y Tecnología). Il donne des crédits aux chercheurs dans différents domaines (jeunes chercheurs, co-financement avec des entreprises et recherche à grande échelle, accords internationaux). À cela s’ajoute, avec le programa de Sistema Nacional de Investigadores, qui attribue une subvention aux chercheurs fondée sur leur production. Ils font une évaluation tous les 4-5 ans par des commissions qui fonctionnent assez bien. Si bien qu'une de mes collègues au CNRS, devant toutes les protestations des universitaires ici, m'ont confié que c'est un système meilleur que celui existant en France, surtout pour en ce qui concerne les évaluations. Les Argentins le pensent aussi. À titre personnel, je dispose d’une bonne bourse pour mon séjour sabbatique ici. Il existe aussi des bourses pour pouvoir faire sa thèse à l’étranger.  Enfin, des crédits sont accordés pour la publication, qui se fait généralement dans les universités. Je travaille par exemple dans une université de jésuites et je considère qu'ils publient beaucoup.


Nonfiction.fr : Quels sont, selon vous, les intellectuels étrangers les plus lus au Mexique ?

Cette question est plus compliquée parce que je ne peux pas trop généraliser aux autres disciplines. Je trouve qu'au Mexique comme ailleurs, il y a eu ces dernières années trop d'influence de ce qu'on appelle le "post-modernisme" en sciences sociales et humaines, surtout en anthropologie, mon domaine. Malgré les références à Foucault, Derrida, etc., ça reste des élucubrations américaines, un grand discours qui ne débouche sur rien et ne fait pas avancer la recherche. Le fer de lance de ce mouvement fut Clifford Geertz, disciple de Talcott Parsons en anthropologie. Il me semble que ceux qui se fondent en tout cela le font hors contexte des sociétés où ces idées ont été produites et mises en avant. À mon avis, ils n’apportent pas grand chose pour connaître la réalité mexicaine. Ils n'ont pas su comment les bien appliquer ces grilles de lecture - si elles sont applicables - aux contextes concrets.  Quant aux autres étrangers lus, on peut mentionner Pierre Bourdieu.


Nonfiction.fr : Quels sont, selon vous, les intellectuels mexicains les plus stimulants aujourd'hui, et qui méritent d'être lus ou découverts ici ?

J’apprécie beaucoup les travaux d'Alfredo López Austin et de Joahnna Broda dans le domaine de l'anthropologie du Mexique ancien. L'œuvre de Danièle Dehouve, anthropologue du CNRS, devient importante pour ceux qui étudient le Mexique ancien, ainsi que les populations indiennes actuelles. Elle a fait des recherches très innovantes sur le sacrifice, la royauté sacrée et les pratiques religieuses à partir d’enquêtes sur le terrain ainsi que grâce à d’anciens documents dans les bibliothèques européennes. D'autres anthropologues mexicains d'importances sont Guillermo de la Peña, qui travaille sur l'histoire de l'anthropologie, ou Larissa Lomnitz-Adler, qui travaille depuis longtemps sur la famille, les entreprises et les organisations comme le partis politiques. Enfin, il faut mentionner Jorge Durand qui est expert au Mexique ainsi qu'aux États-Unis sur les migrations de Mexicains et d'autres Latino-américains aux États-Unis
 

* À lire également sur nonfiction.fr :

- le dossier sur le Salon du livre de Paris 2009.