Trois mois après le lancement des États Généraux de la presse par Nicolas Sarkozy, les premières conclusions ont été présentées dans un "livre vert" rendu à Christine Albanel jeudi dernier. La controverse au sujet de l'événement avait été grande : la place disproportionnée du Président et des grandes figures de presse avait été dénoncée, tout comme la crainte de ne pas voir abordées les questions cruciales telles que l'indépendance de la presse. Certains acteurs, comme plusieurs syndicats ou le journal en ligne Mediapart, avaient quitté les discussions, alors que d'autres, journalistes "de la base", pigistes et lecteurs, réclamaient leur place dans cette grande entreprise.

Quelques jours après le rendu des 90 propositions, l'ambiance générale sur la Toile est encore à l'examen du texte. Télérama parlant de mesures "modestes et consensuelles", les avis semblent globalement s'accorder sur le manque d'ambition des propositions, face à "l'urgence" de la situation, pourtant soulignée dans le rapport et à l’origine du Grenelle. N’a-t-on pas confondu urgence et précipitation ? Selon Jean-Marie Charon dans un chat organisé par le Monde, "il est probable que la volonté de déboucher immédiatement sur des recommandations a fait l'impasse sur de grandes analyses structurantes qui auraient peut-être permis de mieux hiérarchiser les solutions."

Accusés de vouloir favoriser les grands groupes de presse écrite, les États Généraux, avec le groupe de travail "Presse et Internet" présidé par Bruno Patino, ont tout de même mis en avant différentes préconisations originales, avec, notamment la création d’un statut d’éditeur en ligne."L'évitement de la constitution de positions dominantes sur le marché publicitaire" figure également parmi les revendications, afin d’obliger les fournisseurs d’accès et moteurs de recherche comme Google à respecter une neutralité dans la diffusion des informations des éditeurs de presse en ligne. Point "le plus important" selon Bruno Patino, dans une interview donnée à l’Express, pour défendre le pluralisme de l’information en ligne.

D’autres propositions ont été saluées, certaines controversées (augmentation du taux de TVA pour certains journaux) ou parfois jugées comme "folklo" (Télérama), comme le fait de créer une fonction de "journaliste ambassadeur des moins de 25 ans" dans chaque rédaction ou la formation d’un groupe de "sages" qui aurait pour mission de rédiger "un code de déontologie". Côté syndicats, le SNJ prône la vigilance. Le SNJ-CGT a, de son côté, retenu comme "seul point positif" la proposition d’une formation supplémentaire pour les journalistes qui ne seraient pas sortis d’une école reconnue, et regrette l’absence d’éléments relatifs aux conditions de travail, aux "pressions des hiérarchies, de la publicité et de la pipolisation de l’information". Les lecteurs, pour qui quelques journées de débat public avaient finalement été organisées et intercalées hâtivement dans le programme, n’ont pas encore publié de communiqué. Enfin, comme redouté, la question de l’indépendance des journalistes et des rédactions est mise de côté, avec "paradoxalement", comme le souligne Jean-Marie Charon, la proposition de doubler la part des investissements publicitaires de l'État dans la presse écrite.

C’est à Nicolas Sarkozy que reviendra le dernier mot lors de ses vœux à la presse le 23 janvier prochain, comme l’a prévenu Bernard Spitz, coordinateur du Grenelle : "Les États Généraux ne font que des propositions ; c'est l'exécutif qui décidera". Mais tout le monde ne voit pas cela du même œil : un appel pour la "liberté de l’information" a aussitôt été lancé par six titres de presse   qui dénoncent les "abus de pouvoir" du Président

 

* À lire également sur nonfiction.fr, nos articles sur les États Généraux de la presse :

- Julie Urbach, "États Généraux de la presse : les lecteurs cherchent leur place".

- Julie Urbach, "Mediapart s'insurge contre les États Généraux de la presse... suite et fin".

- Julie Urbach, "Faut-il croire aux États Généraux de la presse ?"

- Julie Urbach, "Un Grenelle pour faire face à la crise… de la presse".