L' autobiographie du "plus grand et du pire manager du siècle", un récit naïf qui dévoile les coulisses du mythe des Beatles.

John, Paul, George, Ringo… et Brian. On oublie souvent l’homme qui contribua au succès des Beatles, et pourtant Brian Epstein fut le premier à acclamer leur génie. Tel est le sujet de ce livre, originellement publié en 1964 sous le titre A Cellarful Of Noise, qu’il écrit à l’aide de son assistant Dereck Taylor. Il y relate sa rencontre avec les Beatles, et leur ascension vers la gloire internationale.

"On a dit que c’était le plus grand manager du siècle. On a dit que c’était le pire", préface Patrick Eudeline. Brian Epstein, issu d’une famille juive de Liverpool, se cherche longtemps avant de se révéler en tant que tel. Après moult échecs scolaires, il s’essaye à la comédie au Royal Academic of Dramatic Art, mais sa timidité maladive l’empêche de jouer sur scène. Il se résout donc à travailler pour l’entreprise familiale. Bien lui en prend, car il contribue à la floraison de la section musique de la société. Très vite, son professionnalisme et sa curiosité en font une personnalité importante dans la région. Jusqu’au jour où un garnement vient lui réclamer My Bonnie, enregistré en Allemagne par un groupe inconnu nommé Beatles.

C’est sur cet événement que s’ouvre l’autobiographie de Brian Epstein – car c’est bien de cela qu’il s’agit ici. Qu’on ne s’attende pas à des révélations pertinentes sur les premières trouvailles musicales du groupe. Il n’est question, dans J’ai inventé les Beatles, que d’affaires personnelles, voire sentimentales…

Après un bref retour sur sa vie ante Beatles, Epstein semble heureux de s’épancher enfin sur les quatre garçons dans le vent qui changèrent sa vie, un beau jour d’été 1961. Epstein "n’avait jamais envisagé de devenir l’impresario d’artistes, ni même agent, et n’avait jamais pensé travailler en coulisses du monde du spectacle".
Mais l’énergie sans pareille de ce qui deviendra plus tard les Beatles (Ringo Starr n’est engagé qu’en 1962) convainc ce jeune homme dépressif et peu sûr de lui d’être leur messie. Et la figure de John Lennon, "un homme exceptionnel", achève de le persuader du bien-fondé de son omniprésence auprès d’eux. Epstein se sent important, utile, indispensable même, à la notoriété grandissante de ce groupe qu’il sait hors du commun. Il se bat pour qu’un label les accepte, pour que George Martin accepte de les rencontrer et pour que leur premier disque paraisse enfin, déclenchant l’hystérie des jeunes britanniques. C’est Love Me Do. "J’avais dit à tous les gens que je connaissais, que c’était un excellent disque. J’avais demandé à Merseybat, un magazine de musique local, d’en parler dans un numéro : les jeunes en achetèrent des milliers", se gargarise alors Epstein, ravi d’avoir flairé le bon filon. Et ainsi de suite. Tout au long du livre transparaît cet amour fou des Beatles, cette touchante envie de bien faire, cette fierté et ce soulagement face au succès qui le caractérisent.

J’ai inventé les Beatles est donc un récit introspectif, naïf, parfois maladroit et sans grand intérêt littéraire. On regrette aussi la traduction du titre. Cependant, les coulisses du mythe qu’il décrit s’avèrent passionnantes. La personnalité d’Epstein, tapie dans l’ombre des Beatles, ressort dans toute sa fragilité.

Le 27 août 1967, peu de temps après la sortie de l’album Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, on découvre Epstein mort dans son lit : abus de médicaments, alcool et autres substances toxiques. À ce moment-là, les Beatles sont en plein trip méditatif à Bangor avec leur fameux Maharishi Mahesh Yogi. C’est un choc. Heureusement, Maharishi est là pour les consoler. "Maharishi nous a dit de ne pas nous accrocher à Brian – de l’aimer et de le laisser partir parce nous sommes tous des forces considérables et que nous pouvions l’arrêter dans sa progression naturelle vers le paradis. Il disait “Vous savez que vous devez le pleurer et l’aimer, mais maintenant envoyez-le sur son chemin.” Et ça nous a vraiment aidés", s’émeut Ringo Starr. Ces paroles font étrangement écho aux derniers mots du livre d’Epstein : "Et demain ? Je crois qu’il fera beau demain."