La nouvelle est tombée (New York Times, 26 août 2008) : la Fédération de Russie a officiellement reconnu "l’indépendance " des deux républiques sécessionnistes géorgiennes – l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Maintenant une ligne dure, Moscou semble désormais avoir franchi le point de non-retour et continue ainsi à défier un Occident qui semble pour l’heure bien embarrassé devant cette crise d’un nouveau genre.
Difficile de donner une analyse objective à cette nouvelle turpitude caucasienne, il en va ici de la responsabilité de bien des pays. Que dire de l’attitude de la Géorgie et de son président M. Saakachvili qui s’est vu capable de régler, en un éclair et par la force, un conflit larvé depuis près de vingt ans ou encore des États-Unis dont l’attitude ambivalente n’a fait qu’attiser les velléités belliqueuses des deux cotés(New York Times, 12 août 2008) ? Pareil pour une Russie qui rêve depuis longtemps de se réinstaller de l’autre coté des montagnes et qui avait ces dernières années distribué bon nombre de passeports aux ossètes du sud, il est évident que l’attaque géorgienne du 8 août représentait pour elle une occasion rêvée.
En l’absence d’une position commune, aussi bien au sein de l’Union européenne que de l’OTAN, on voit mal la situation au Caucase se régler rapidement et définitivement. La gestion de l’après conflit apparaît aujourd’hui d’autant plus difficile à mener que rien n’en présageait l’éclatement. Dans une atmosphère de torts partagés et alors que les deux parties clament leur bon droit, la situation sur le terrain semble pourtant se détendre progressivement au profit de la Russie. Il est encore difficile de prévoir les répercussions futures de cette double "indépendance" au niveau international, en premier lieu dans les relations Russie - Occident. La question de la viabilité politique des deux nouvelles républiques est également à poser : si l'Abkhazie apparaît capable d'aspirer à une véritable indépendance, l'Ossétie du Sud semble vouée à s'intégrer à sa voisine du Nord.
Pour l'heure, il est intéressant de noter plusieurs points généraux. En premier lieu, la gestion de la crise par le gouvernement Medvedev dénote une volonté non masquée de mettre en échec le modèle américain d’action unilatérale préventive. Aussi bien dans le discours que dans l’action, Moscou s’applique ainsi à se construire une légitimité pour justifier l’intervention. L’Occident habitué aux déclarations à l’emporte pièce semble ici largement surpris d’entendre les russes parler de "contraindre la Géorgie à la paix" ou de mener "une action humanitaire pour protéger les populations civiles"(Voir à ce propos l’article de V. Inozemtsev, repris par Courrier International des 21-27 août, mais n’est disponible qu’en russe sur Internet, Nezavisimaja Gazeta, 13 août 2008).
À un tout autre niveau, la crise du Caucase s’apprête à bouleverser les relations au sein de l’ensemble de l’espace post-soviétique. La récente double "indépendance", largement favorisée par le précédent kosovar, remet en cause l’intégralité territoriale de biens des pays de la région. En montrant à tous que même après deux décennies de revendications une région de la taille de l’Ossétie du Sud pouvait accéder à "l’indépendance", Moscou a ouvert une boîte de Pandore qu’elle ne pourra peut être jamais refermer. On attend aussi de voir l’évolution des relations entre la Fédération et les pays dont elle s’était ces dernières années rapprochée – Turquie, Iran, Chine – et qui voient plus que d’un mauvais œil la victoire des séparatistes géorgiens.
* À lire également :
- l'article de nonfiction sur la crise géorgienne.
- l’article du New York Times (26 août 2008) sur cette double indépendance.