Un récit informé mais inégal sur le candidat démocrate. Compte-rendu minutieux d’une biographie inédite d’Obama.

Quand il a annoncé qu’il entreprenait d’écrire une biographie sur Obama, le journaliste David Mendell s’est très souvent vu rétorquer que le nouveau phénomène politique américain n’avait pas laissé grand chose à raconter. Auteur de deux livres autobiographiques sur son parcours et ses idées politiques (Dreams of my Father et The Audacity of Hope), le leader démocrate a entrepris très tôt de composer lui-même un récit contrôlé sur sa vie, et sur l’originalité de son cheminement politique. Le succès des ventes de Dreams of my Father, et surtout de The Audacity of Hope, véritable best-seller en 2006-2007, a ainsi contribué à faire connaître à un large public l’itinéraire et les prises de position publiques d’Obama. Aussi pouvait-on craindre de lire, avec From Promise to Power, une paraphrase un peu fade des œuvres du sénateur, tentant de profiter de la manne éditoriale qu’il génère.

Mais Mendell a ceci de légitime qu’il est reporter au Chicago Tribune, et qu’il suit Obama depuis ses débuts dans l’Illinois en tant que sénateur de l’État (1996). Le journaliste le connaît depuis la fin des années 1990, et a eu l’occasion de fréquenter certains de ses proches (ses conseillers, Dan Shomon, puis surtout David Axelrod et Robert Gibbs, ainsi que sa femme Michelle Obama). Malgré les efforts de Mendell pour reconstituer l’enfance, les études puis les années de formation d’Obama, le livre est bien scindé en deux : une première partie sans grande qualité, qui répète plus ou moins Dreams of my Father, en agrémentant le récit de quelques témoignages (notamment celui de la grand-mère maternelle – républicaine – du candidat démocrate). Et une seconde partie, beaucoup plus intéressante à nos yeux, sur le parcours politique d’Obama dans l’Illinois et sur les campagnes qui ont rythmé son accession à une carrière politique nationale.

D’Hawaï à Harvard

Puisque Obama a déjà raconté qu’il fumait des joints et qu’il avait pris un peu de cocaïne, le journaliste cherche d’autres révélations sur sa jeunesse, qui pourraient expliquer ses décisions politiques et son comportement futur. David Mendell recompose ainsi un véritable "roman de formation", écueil qui court tout au long du livre, où la vie d’Obama semble s’inscrire de manière cohérente dans un parcours linéaire qui voit le protagoniste vivre chaque expérience comme une étape, et chaque échec comme une leçon et comme un moteur à son ambition. Par exemple, Obama (qui se faisait appeler "Barry" à l’époque) a été mis sur le banc de touche de son équipe de basket au lycée hawaïen de la Punahou Academy durant quasiment toute une saison. Cela aurait provoqué chez lui une frustration très forte, signe, selon le journaliste, d’une ambition et d’une self-esteem démesurée. Mendell présente le sujet comme un sujet brûlant, interview de l’entraîneur du lycée à l’appui, dont Obama aurait vraisemblablement gardé un souvenir désagréable et encore vif.

À part cette folle information sur les talents relatifs de Barack Obama au basketball, on retrouve sensiblement tout ce qui était déjà présent dans Dreams of my Father, à savoir le portrait d’une mère aimante et idéaliste et d’un père kenyan, brillant mais absent ; cette situation familiale ne fut pas sans créer des doutes sur l’identité du jeune Barack, en Indonésie tout d’abord, après le remariage de sa mère, puis à Hawaï chez ses grands-parents maternels qui, malgré leur modeste situation, ont pu lui permettre d’effectuer ses études dans les meilleurs écoles privées de l’île. L’adolescence est une période d’affirmation : Obama a une coupe afro, fait du body-surf, et, plus important, s’intéresse à Malcolm X, affirmant ainsi clairement son identité afro-américaine. Il manque malheureusement à ce parcours de jeunesse et d’adolescence un arrière-plan contextuel, notamment sur les luttes pour les droits civiques, et sur l’évolution de la politique américaine dans les années 70, qui aurait certainement permis de donner un peu de souffle à ces premiers chapitres   .

Mendell fait en tout cas d’Hawaï un véritable cocon où Barack Obama peut se ressourcer. C’est à l’île qu’il devrait, dans certaines situations, son caractère calme, voire hiératique, qui impressionne tant le journaliste. Passons sur ce déterminisme géographique, la Punahou Academy offre en tout cas au jeune Obama l’occasion de s’affirmer progressivement dans un univers plutôt blanc et asiatique. Mendell présente "Barry" comme un bon étudiant, sans grands éclats (un "solid B student"). Obama poursuit ensuite ses études à Los Angeles, à l’Occidental College (spécialisé dans les arts libéraux pour les undergraduate), situé près de Hollywood. Il y reste deux ans, avant de se rendre dans la prestigieuse université Columbia à New York, où il est diplômé de sciences politiques. La carrière universitaire d’Obama est présentée comme une montée en puissance intellectuelle, ascétique et laborieuse : Obama lit à New York beaucoup de philosophie, d’histoire et de sciences politiques et devient un étudiant de premier plan, même s’il n’a pas encore atteint, selon Mendell, sa pleine maturité intellectuelle.

Fraîchement diplômé, Barack Obama se rend à Chicago où il devient "community organizer" (animateur social), pour les communautés pauvres du South Side de la métropole de l’Illinois   . Son investissement auprès des classes populaires lui permet de rencontrer les principaux leaders religieux, dont Jeremiah Wright, pasteur "liberal", au sens américain du terme, qui a une profonde influence sur lui, et qui entraîne la conversion du jeune homme au christianisme   . Avec cette conversion, la figure de Martin Luther King prédomine désormais sur Malcolm X dans la hiérarchie des références politiques d’Obama. C’est d’ailleurs par l’entremise de Wright qu’Obama reprendra, avec "l’audace d’espérer", l’un des principaux discours du pasteur King.

En aidant les communautés les plus pauvres de Chicago, Obama prend conscience qu’il ne peut les aider comme il le souhaiterait sans un law degree, qui lui permettrait de les défendre plus efficacement   . Il présente son dossier à la Law School d’Harvard, où il entre à vingt-six ans, non sans avoir auparavant contracté un prêt pour pouvoir payer les droits d’inscription extrêmement élevés de l’université. Il fait partie des élèves les plus brillants de l’école de droit – Mendell attribue cela à sa maturité – et devient même en 1990 le directeur de la Harvard Law Review, revue de droit des étudiants "gradués" d’Harvard. C’est un premier pas politique pour Obama, qui, d’après le journaliste, a réussi à obtenir les voix des "libéraux" et des "conservateurs" en faisant figure de candidat conciliant, à l’écoute des deux tendances qui s’affrontaient alors dans le comité de rédaction. Obama est également le premier directeur métis de la prestigieuse revue, ce qui lui permet d’obtenir une relative renommée.

De retour à Chicago, et après avoir épousé Michelle Robinson, elle aussi brillante avocate afro-américaine issue de la law school d’Harvard, Obama est nommé lecteur de droit constitutionnel à l’Université de Chicago   , puis est recruté comme avocat spécialiste en droits civils, dans une des plus importantes firmes du Midwest (Davis, Miner, Barnhill & Galland). C’est à cette période (la première moitié des années 1990) qu’Obama entreprend l’écriture de ses mémoires, qui paraissent en 1995 sous le titre Dreams of my Father. Mendell se moque d’ailleurs un peu du jeune avocat qui écrit ses mémoires à trente et un ans. Pour lui, cela témoigne non seulement de son ambition, mais aussi de son excessive confiance en soi, deux traits sur lesquels le journaliste insiste beaucoup.

D’Hawaï à Harvard en tout cas, Mendell présente un parcours construit rationnellement par Obama pour accéder à une carrière politique. Même son mariage avec Michelle Robinson apparaît, sous la plume de Mendell, comme une manière d’intégrer la communauté afro-américaine   . Si Obama est certes ambitieux, on peut toutefois reprocher à l’auteur de reconstruire l’itinéraire d’Obama en fonction de ses succès a posteriori, et de lire ses choix comme autant de calculs à long terme. Ce que Mendell pointe cependant de manière plus intéressante, c’est la manière dont Obama avance certaines parties de son curriculum vitae en fonction des groupes sociaux auxquels il fait face : pour les classes populaires, il insiste sur son passé de community organizer ; pour les clases plus aisées et éduquées, il met en avant son poste de directeur de la Harvard Law Review.


L’entrée en politique et le récit des campagnes : 2004 comme tournant politique


Le livre de Mendell, jusque là un peu ennuyeux, très factuel, et beaucoup moins bien écrit que l’autobiographie Dreams of my Father, prend un tout autre aspect quand la carrière politique de Barack Obama commence, et que le journaliste peut se mettre lui aussi en scène, dans ses rapports avec le politicien. Mendell ne nous épargne pas une autre révélation : le lecteur apprend dans cette seconde partie que Barack Obama … fume ! Des cigarettes. Et en cachette en plus !  

Hormis cela, le récit des campagnes électorales d’Obama, spécialité de Mendell au Chicago Tribune, est beaucoup plus intéressant. On suit notamment l’enjeu des primaires démocrates. Car c’est au sein de son parti qu’Obama, dans le South Side de Chicago qui vote quasi continuellement pour les démocrates, doit faire face à l’opposition la plus franche. Le journaliste du Tribune présente alors les principaux enjeux d’une campagne "à l’américaine", c’est-à-dire l’obtention non seulement de financements et de soutiens monnayés pour la campagne des primaires, mais aussi le rôle des endorsements, à savoir les prises de position publiques personnelles ou collectives en faveur d’un candidat à une élection. Ce qui ressort du récit, c’est qu’Obama convainc, non seulement grâce à ses talents oratoires, mais aussi grâce à un charisme que le journaliste admire vraisemblablement. Élu sans opposition au sénat de l’Illinois en 1996, Obama montre une activité de législateur capable de rallier à sa cause à la fois Démocrates et Républicains, sur des sujets comme la sécurité sociale, la protection des enfants, la lutte contre les discriminations raciales. Mendell le présente en sénateur actif et très présent, à l’initiative d’un nombre de lois votées extrêmement élevé. Obama n’a ainsi guère de concurrents dans le 13ème district où il est élu puis réélu au sénat local.

Deux campagnes retiennent toutefois l’attention du lecteur, lorsque l’affrontement politique est plus difficile et qu’il s’agit de changer d’échelon électoral. En 2000, assisté de Dan Shomon, Obama souhaite obtenir l’investiture démocrate pour être élu à la Chambre des représentants. Mendell suit toute la campagne, qui, jusqu’ici, s’avéra être le seul échec politique du jeune politicien. Obama souhaitait en effet ravir son siège à Bobby Rush, élu à quatre reprises à ce poste. Mais le jeune homme politique fit l’erreur de sous-estimer la popularité de Rush, ancien acteur de la lutte pour les droits civiques des Noirs américains. Ce dernier, en outre, perdit son fils, tué par balle durant la campagne, ce qui entraîna un mouvement de profonde sympathie dans l’opinion. Enfin, Obama se rendit à Hawaï durant les vacances de Noël (voyage qu’il effectue chaque année), au moment où le sénat de l’Illinois votait une importante loi sur le port d’armes. Mendell ne manqua pas de fustiger l’absence du jeune sénateur dans les colonnes du Chicago Tribune, qui perdit la primaire lourdement (il obtint un peu plus de 30 % des votes, contre 70 % pour Rush). Les Blancs avaient voté pour Obama, mais les Noirs, majoritaires dans la circonscription, lui préférèrent Bobby Rush.

L’échec d’Obama ne fut pas sans conséquence : c’est une période difficile financièrement pour le futur candidat à l’élection présidentielle, qui doit toujours rembourser son prêt pour Harvard, et qui s’est endetté pour les primaires infructueuses contre Rush. Mendell ne parle guère du 11 septembre, si ce n’est pour dire que la proximité phonétique entre Osama (Ben Laden) et Obama semblait sérieusement menacer la carrière du jeune politicien, aux yeux de certains journalistes ! Toutefois, son activité politique et son ambition n’en sont pas moins confirmés : il décide de se présenter à une élection encore plus prestigieuse, et prend le pari d’être élu sénateur de l’Illinois, convaincu que le candidat investi par le parti démocrate a de fortes chances d’être élu en 2004. Soutenu par sa femme (après quelques négociations), il fait alors une rencontre décisive : celle du conseiller David Axelrod, ancien reporter du Chicago Tribune. Axelrod remplace alors Dan Shomon et use de ses réseaux dans la presse et auprès de soutiens financiers influents pour consolider la candidature de Barack Obama. Mendell explique qu’Axelrod n’avait guère confiance en Obama au début, mais qu’il l’estima plus apte à gagner l’investiture que l’autre favori démocrate, Blair Hull. De fait, la campagne d’Obama a été rythmée par des révélations "scandaleuses" sur ses adversaires : pour Mendell, qui minore peut-être trop les actions d’Obama et ses prises de position publiques, le jeune sénateur a eu beaucoup de chance. En effet, Blair Hull, candidat milliardaire à la nomination, était sur le point de remporter l’élection ; mais l’équipe d’Obama oeuvra pour que le dossier de son divorce soit rendu public, si bien qu’un mois avant l’élection, le Chicago Tribune révéla que Hull avait menacé de tuer sa femme lors de disputes particulièrement violentes. Obama remporta aisément l’investiture.

Mais la campagne ne s’arrête pas là : le candidat républicain, Jack Ryan, plutôt haut dans les sondages contre Barack Obama, s’avéra lui aussi impliqué dans des scandales matrimoniaux, car le précédent Blair Hull contraignit Ryan à rendre public à son tour le dossier de son divorce. Cette fois-ci, le candidat dut avouer que son ex-femme avait demandé le divorce en raison des pratiques échangistes auxquelles le candidat républicain la forçait. Ryan abandonna la course à l’investiture, et son remplaçant, Alan Keyes, issu de la droite chrétienne, ne mit guère en danger Obama, qui fut élu à plus de 70% sénateur de l’Illinois.

Le récit des campagnes d’Obama permet de prendre la mesure de l’investissement politique considérable du candidat. Mendell insiste sur le rôle d’Axelrod, sur sa capacité à organiser le calendrier de son poulain et ses apparitions télévisées, notamment ses spots publicitaires, qui sont, d’après le journaliste, les meilleurs actuellement aux États-Unis. L’élection de 2004 est en tout cas un tournant politique majeur dans la carrière d’Obama qui, désormais, vit entre Chicago, où sa famille réside, et Washington.


Du local au national

Le changement d’échelon politique d’Obama ne passe pas inaperçu. Deux éléments apparaissent comme constitutifs de la popularité de la nouvelle "étoile" du parti démocrate : sa prise de position contre la guerre en Irak dès 2002, et son discours lors de la Convention démocrate à Boston lors de l’investiture officielle de John Kerry en 2004.

En 2002, alors que le Président Bush était au faîte de sa popularité aux États-Unis, et que les Démocrates les plus influents du Congrès votaient leur soutien à une attaque de l’Irak, Obama prenait une position anti-guerre courageuse. Les mots d’Obama sur le caractère flou et indéterminé d’une guerre aux conséquences désastreuses, résonnent de fait comme des prédictions particulièrement justes. Mais Mendell relativise le courage politique d’Obama, en arguant que sa marginalité à l’époque le conduisait à tenir des positions minoritaires dans le parti : l’opposition à la guerre apparaît ainsi comme un positionnement politique calculé dans le champ démocrate, à un moment où le sénateur local n’était pas au mieux dans les sondages. Si l’idée de Mendell n’est pas infondée, il n’empêche que le discours extrêmement travaillé d’Obama lors de sa prise de parole (devant un petit comité de mille personnes), ainsi que la justesse de son argumentation, dévoilent très vraisemblablement la conviction au-delà de l’intérêt politicien.

Un autre moment sur lequel Obama a construit le socle de sa renommée nationale fut la Convention démocrate, le 27 juillet 2004. Alors qu’il venait d’être investi par le parti démocrate pour concourir à l’élection au poste de sénateur de l’Illinois, John Kerry, en tournée pour sa campagne électorale, remarqua le talent oratoire et le charisme du jeune candidat de Chicago. Il l’invita à délivrer un discours d’ouverture à la Convention Nationale du parti démocrate à Boston, qui propulsa littéralement Barack Obama au premier plan de la scène politique américaine. Obama construisit un discours plutôt court (dix-sept minutes), et très rassembleur (bipartisan)   . Mendell explique, reprenant les termes du conseiller média d’Obama, Robert Gibbs, que le candidat et son équipe ont choisi un discours théorique plutôt que programmatique. Les discours des années 1980, celle de Mario Cuomo en 1984, et celle d’Ann Richards en 1988, durant les deux présidences de Reagan, ont pris le parti du thème rassembleur des "deux Amériques". Obama choisit de s’en inspirer, en y ajoutant son style, à un moment où néo-conservateurs et libéraux s’affrontaient pour l’élection de novembre 2004. Le discours eut un tel succès qu’il fit pâlir celui, plus terne, de John Kerry.

Opposition à la guerre en Irak et discours bipartisan rassembleur et œcuménique constituent donc la base de la popularité de Barack Obama. Le mélange a d’ailleurs fait ses preuves à mesure que les États-Unis s’enlisaient au Moyen-Orient et que le discours néo-conservateur perdait relativement du terrain.


Le politicien et le journaliste

Mendell vote certainement pour Obama, mais il en fait un homme pétri d’ambition et plutôt chanceux dans sa carrière politique. L’image qui ressort n’en est pas moins celle d’un politicien extrêmement honnête et très intelligent (trop intelligent pour certains qui l’accusent parfois d’élitisme).

Le livre n’est pas très analytique, et quiconque s’intéresse à la politique américaine, ou, plus généralement, à l’histoire des États-Unis, sera déçu. En revanche, From Promise to Power se révèle être un ouvrage intéressant sur le journalisme, et en particulier le journalisme de presse écrite en Amérique. Mendell fréquente Obama surtout de 2000 à 2004, où il peut s’adresser à lui directement. Mais à partir de 2004 et du discours national du jeune sénateur, les intermédiaires s’interposent entre le journaliste et Obama. Ce sont David Axelrod, puis Robert Gibbs, auxquels Mendell a affaire. Et bien qu’il admire visiblement Axelrod, le reporter paraît regretter de ne plus recevoir de coups de téléphone de la part de l’homme politique en personne.

Il ressort ainsi une sorte de division entre deux moments dans les rapports entre Mendell et Obama : en politique locale, les journaux de presse écrite sont privilégiés, et le journaliste du Chicago Tribune a un accès privilégié au politicien. Dès que la destinée devient nationale, qu’Obama se rend à Washington, ce sont les grandes chaînes de télévision qui ont la primeur ; et le journaliste de presse écrite ne peut que produire des informations relativement impressionnistes. Ce sentiment de dépossession culmine avec le voyage en Afrique d’Obama en août 2006. Mendell est non seulement submergé par la réalité économique et sociale africaine et par les reporters kenyans, mais surtout il supporte mal de n’être plus qu’un journaliste parmi tant d’autres à suivre le nouvel homme politique du moment, extrêmement populaire, et fêté comme un chef d’état à Nairobi. Les journalistes suivent docilement Robert Gibbs dans une espèce de tour organisé, en quête d’un Obama distant. L’auteur de From Promise to Power paraît nostalgique des moments où le jeune sénateur était encore un homme politique promis à un bel avenir, et où il était possible de converser avec lui avec plus de facilité.

L’ouvrage de Mendell n’est donc guère une biographie. À partir du moment où intervient le "je" du journaliste fréquentant son sujet – c’est-à-dire environ à partir de la moitié du livre – le récit se transforme en témoignage sur le phénomène Obama. C’est justement cette partie là qui est intéressante, parce que plus informée. Mendell aurait peut-être dû se concentrer sur elle et prendre davantage le temps de décrire (voire d’analyser) la carrière politique d’Obama dans l’Illinois. Mais From Promise to Power apparaît comme une introduction : le journaliste semble ne pas vouloir s’arrêter là et il est probable que le récit de la bataille des primaires démocrates constituera la suite de ce premier ouvrage.


* À lire également sur Nonfiction.fr :

- Les critiques du discours de Barack Obama, De la race en Amérique, par S. Balaji Mani et Henri Verdier.

- La critique du livre de Barack Obama, L'audace d'espérer, par Frédéric Martel.

- La critique du livre de François Durpaire et Oliver Richomme, L'Amérique de Barack Obama, par Alexandre Rios-Bordes.

- La critique du livre d'Audrey Claire, Obama : le roman de la nouvelle Amérique, par Benoît Thirion.