Un "faux livre" qui n’apprend rien de plus que la lecture des journaux, ni sur les Etats-Unis, ni sur la politique américaine, ni même sur Barack Obama.

Obama : le roman de la nouvelle Amérique a une particularité : son intérêt se limite à son introduction de neuf pages. Barack Obama y est présenté comme un homme politique postmoderne, non seulement par les ruptures - de génération, de sensibilité religieuse, de style et de vision politique - qu’il accomplit, mais surtout par la nature de son identité. En effet, l’identité de Barack Obama "n’est pas faite d’enracinement, elle n’est plus statique telle l’identité traditionnelle, mais faite de fluidité et de dynamisme"   . Cette identité complexe et fluctuante, due à ses origines ethniques et géographiques et à son parcours personnel, lui permettrait de comprendre la société américaine et de transcender les clivages, d’être, comme il l’aurait exprimé lui-même, "un écran blanc sur lequel des gens de bords politiques différents projettent leurs propres idées"   . Présenter Obama comme un symbole de la postmodernité en politique aurait pu être fertile et stimulant. Mais le problème, c’est que cette intuition reste à l’état embryonnaire, et qu’elle est noyée dans des considérations d’une grande banalité.  

Ce livre est d’autant plus décevant que l’auteur, Audrey Claire, se présente comme une spécialiste en stratégie politique, financière proche des Démocrates et de la nouvelle élite politique américaine. Il était donc légitime d’en attendre des éléments nouveaux sur Barack Obama et la campagne des primaires, et une réflexion appuyée sur une connaissance intime du milieu politique américain. Pourtant, faute d’ambition, en raison, peut-être, du cadre imposé par la collection « Le roman des lieux et destins magiques » des Editions du Rocher, l’ouvrage d’Audrey Claire n’apprend rien. Il n’est en effet qu’une litanie de passages obligés.


Un propos sans distance

La première partie du livre retrace d’abord le parcours de Barack Obama. Mais, s’appuyant sur ses propres écrits   et sur des articles de presse, l’auteur ne cherche en rien à porter un regard critique sur ces sources, et ne déconstruit pas le discours de Barack Obama. Elle reproduit ainsi les explications les plus courantes de sa personnalité et de ses motivations, en insistant notamment sur sa quête identitaire, au risque parfois d’adopter des positions psychologisantes un peu simplistes.

Pas plus que sur le parcours d’Obama, Audrey Claire n’apporte aucun éclairage particulier sur le déroulement des primaires. Le récit est uniquement factuel, abusivement centré sur les "rebondissements" de la campagne. Le propos est également extrêmement partisan, sans aucune distance, l’auteur n’hésitant pas à affirmer que "décidément (sic), Obama était un vrai poète de l’âme populaire (re-sic) !"   .

La dernière partie de l’ouvrage, enfin, se veut plus analytique. Audrey Claire tente de présenter les évolutions de la société américaine qui constituent les "facteurs de succès" de Barack Obama. A cet égard, on peut lui accorder l’intérêt de replacer le "phénomène Obama" dans l’émergence d’une génération d’hommes politiques noirs, jeunes, démocrates, souvent avocats, et porteurs de messages d’optimisme et d’unité, tels, par exemple, Harold Ford Jr., parlementaire du Tennessee, Adrian Fenty, maire de Washington, Cory Booker, maire de Newark, Deval Patrick, gouverneur du Massachusetts, ou encore Michael Nutter, maire de Philadelphie   . Mais pour le reste, ses analyses sur la lassitude américaine après les huit années de gouvernement Bush, l’opposition avec Hillary Clinton, ou les changements affectant l’appréhension de la race aux Etats-Unis restent désespérément superficielles.  


Un "quick book" ?

Aussi, à la fin de la lecture de ce livre, les questions soulevées par Barack Obama, au-delà de l’enthousiasme réel qu’il suscite, restent sans réponse, faute d’avoir été posées. En particulier, si l’on admet qu’il représente une figure de la postmodernité, que devient la politique dans ces conditions ? N’est-elle plus qu’un discours plastique, qui peut convaincre mais reste un peu vague ? Est-elle une action guidée par le seul pragmatisme, ou par des convictions plus profondes ? Peut-elle agir efficacement, finalement, sur une société de plus en plus complexe, et non sur sa seule représentation ?  

Obama : le roman de la nouvelle Amérique ne s’élève donc pas à la hauteur de son sujet. Il n’est, manifestement, qu’un "quick book", ou, pour reprendre l’expression d’Eric Vigne   , un "faux livre", qui correspond à l’air du temps, mais ne répond pas aux exigences de travail, de recherche et de réflexion que le lecteur est pourtant en droit d’attendre. Vite écrit, vite édité, vite diffusé… vite oublié.



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Crédit photo: Flickr/Transplanted Mountaineer