La constitutionnaliste Eugénie Mérieau explore quelques-unes des questions que pose l’idée de constitution face aux tendances autoritaires actuelles.

Le petit livre consacré à la Constitution dans la collection Le mot est faible, des éditions Anamosa, explore certaines des questions soulevées par l'idée de constitution, notamment face aux tendances autoritaires qui se manifestent actuellement dans de nombreuses démocraties.

Son autrice Eugénie Mérieau débute en affichant d’entrée de jeu sa volonté de ne pas éluder le sujet, en examinant certaines violations de la constitution et la manière dont celles-ci ont été interprétées par les juristes, à partir des exemples emblématiques de Louis-Napoléon Bonaparte et du général de Gaulle.

Le chapitre suivant aborde la constitution libérale-démocratique, présentée comme un aboutissement, adossée à l’idée d’une fin de l’histoire, à laquelle il est cependant, ces derniers temps, devenu difficile d’adhérer, plaidant alors pour une approche plus réaliste. Pour l'illustrer, l’autrice, spécialiste en droit comparé, se penche sur l’histoire comparative du « parlementarisme rationalisé », rappelant qu’il a son origine dans la constitution de Weimar. Elle montre l’utilisation qui a pu en être faite par exemple en Russie ou encore, récemment, lors de la réforme des retraites en France.

Elle consacre ensuite un chapitre à l’état d’urgence, ou d’exception, dont elle rappelle qu’il est né comme un moyen d’exemption de la constitution dans certains territoires. Elle interroge également le rôle du juge constitutionnel à ce propos, en établissant là aussi des comparaisons, entre la France, Israël et la Thaïlande, un pays qu’elle connaît particulièrement bien. Spécialiste du constitutionnalisme autoritaire, elle s'autorise en effet des comparaisons qui pourraient sembler osées, si l'on en reste à l'opposition de base entre dictature et démocratie   .

Elle aborde ensuite la notion fondamentale depuis Montesquieu de la séparation des pouvoirs, un principe auquel le parlementarisme rationalisé, pour ne prendre que le cas de la France (même si elle fait aussi un parallèle avec la Chine), accorde finalement peu d’importance. Du reste, comme elle le souligne, « très peu de nos dispositions constitutionnelles sont véritablement normatives  ».

Dans un avant-dernier chapitre, l'ouvrage s'intéresse à la constitution comme rempart contre l'autoritarisme, montrant que cette idée a souvent été démentie par l'histoire (même si certains dispositifs peuvent offrir davantage de garanties), à un moment où l’action de Donald Trump constitue un nouveau test. Il est vrai qu’une constitution, à défaut d'être révisée si c'est trop difficile, peut souvent être interprétée pour s’adapter aux souhaits de nouveaux dirigeants, voire violée, sans aucune sanction.

Cela dit, et le livre se termine ainsi sur une note positive, une constitution peut toujours être modifiée en mieux. Une assemblée peut se déclarer constituante et décider d’élaborer de nouvelles règles, qui devront cependant la plupart du temps passer par une ratification des électeurs.

On comprend ainsi que les réflexions présentées dans l'ouvrage, rédigé dans un style clair et agréable à lire, ne se veulent pas conclusives. L’actualité confère aux questions entourant la notion de constitution une importance plus grande que par le passé. L’avenir demeure ouvert, même si l’on peut redouter, à l'heure actuelle, que la forme qu’il prendra ne soit pas très favorable.

 

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L'entretien réalisé avec Lauréline Fontaine à propos de son livre La constitution au XXIe siècle.