Réconcilier les salariés avec l'entreprise, c'est l'objectif de ce livre qui veut convaincre les patrons qu'investir dans l'épanouissement professionnel de leurs collaborateurs est efficace économiquement.

Coup double. Dans L'entreprise réconciliée, Jean-Marie Descarpentries et Philippe Korda cherchent à prouver que c'est en prêtant attention au bien-être des salariés au travail que l'on rend une entreprise plus efficace. L'ancien PDG de Bull et le consultant de renommée internationale érigent en modèle gagnant-gagnant un système de management fondé sur la confiance envers le talent des collaborateurs et l'adhésion de chacun à un projet d'entreprise qui a du sens.

Ce n'est pas un modèle parmi d'autres. Pour les deux auteurs, c'est le modèle vers lequel il faut tendre si l'on souhaite combler le fossé de désamour qui fracture de plus en plus aujourd'hui le monde de l'entreprise. D'un côté, des patrons aux yeux rivés sur le montant des dividendes à verser à leurs actionnaires en fin d'année. De l'autre côté, des salariés insatisfaits souffrant d'un manque de reconnaissance et qui ont le sentiment que l'on n'exploite pas à 100% leurs compétences. Et un chiffre : 23%. C'est le pourcentage de Français qui se considèrent "désengagés" dans leur travail. Soit une hausse de 5 points entre 2003 et 2005.
Pour renverser la tendance, il faut tout d'abord redonner du sens au travail. Ne plus fixer un seuil de rentabilité comme objectif, mais plutôt une "vision" à laquelle chaque collaborateur peut s'identifier. En exemple, les auteurs citent le fondateur de Danone, Antoine Riboud qui, en 1972, assigne un dessein à son groupe : "apporter la santé par l'alimentation au plus grand nombre". Un but intimement mobilisateur censé susciter l'implication, l'enthousiasme et la fierté des collaborateurs. Les auteurs appellent cela « le marketing humain », indispensable pour conserver les meilleurs collaborateurs et en attirer d'autres.

Les salariés seront attachés à leur entreprise si celles-ci procèdent à un changement en profondeur dans la gestion de leurs ressources humaines. Au traditionnel "management par objectifs", les auteurs veulent y substituer un management par "la comparaison des progrès". La performance ne doit plus s'évaluer à l'aune d'objectifs incertains fixés à l'avance au sein de l'entreprise, mais en comparaison avec les progrès réalisés dans le même temps par les concurrents. Encouragé par son manager à prendre des initiatives et des risques, le collaborateur puise alors sa motivation dans la satisfaction d'accomplir des progrès dans son domaine de prédilection. Le salarié ne perd plus chaque année une partie de son énergie dans la négociation de ses objectifs. L'ambition est libérée, la conformité abandonnée, et le trop-plein de procédures mis de côté : "mieux vaut souvent avancer dans le désordre que piétiner dans l'ordre". Au passage, les auteurs battent en brèche une idée reçue : ce n'est pas sur ses points faibles que l'on progresse le plus, mais sur ses points forts.  

Discussion et reconnaissance. Les mots reviennent sous la plume des deux essayistes. Discussion : chaque décision doit être partagée avec les salariés pour être mieux acceptée. Reconnaissance : quelques mots du supérieur hiérarchique et parfois même un trophée doivent être les bienvenus pour saluer l'audace créative d'un salarié. Pour la rémunération, une piste sous la forme d'une fausse interrogation : "pourquoi un collaborateur exceptionnel devrait-il gagner moins par exemple qu'un chef de service moyen ?". La reconnaissance des progrès du "capital humain" dans une entreprise, les auteurs aimeraient aussi qu'elle soit traduite par un indicateur chiffré pour que les efforts des salariés puissent être valorisés par les actionnaires auprès des marchés.

Seuls quelques chefs d'entreprises suivent aujourd'hui le modèle évoqué par Jean-Marie Descarpentries et Philippe Korda. Le fondateur de la compagnie américaine Southwest Airlines, Herb Kelleher, par exemple : "ce sont les intérêts des employés qui doivent arriver en premier. Si vraiment vous traitez vos employés de cette façon, ils traiteront les clients de façon convenable, les clients reviendront à vous, et c'est ce qui rendra vos actionnaires heureux". Les deux auteurs comptent sur le courage des dirigeants des autres entreprises pour enclencher ce cercle vertueux. Une illusion ? Un espoir en tout cas, à l'image d'une croyance dans l'homme qui imprègne l'ensemble de cet ouvrage méthodique.