Tiré d’une série d’émissions diffusées pendant l’été 2021 sur France Inter, ce livre très documenté invite à lire ou relire Colette, en toute saveur.

Quarante courts chapitres mêlant biographie et exégèse littéraire

Antoine Compagnon, qui a donné dans la même collection des essais sur Montaigne, Pascal et Baudelaire, s’appuie sur une bibliographie très solide pour parcourir la vie et l’œuvre de Colette (1873-1954). Sa conduite fut jugée scandaleuse à son époque, à cause de sa carrière d’actrice souvent dénudée, de ses trois mariages, de son goût pour les femmes, de sa liaison avec le fils de son deuxième mari.

Elle créa trois mythes : « Claudine, l’héroïne espiègle des premiers romans signés Willy ; Sido, son personnage principal après la mort de sa mère ; et Gigi, immortalisée au cinéma par Leslie Caron. » Mais elle devint elle-même très vite une légende parisienne. Elle refusait le combat des suffragettes et n’eut aucun engagement féministe, mais elle préfigure, par son insolence et sa vie libérée, les femmes d’aujourd’hui. J.M.G. Le Clézio la définit comme « l’unique écrivain matériel », ce qui rend justice à la richesse de son vocabulaire et à la sensualité de son univers littéraire, comme l’indique la citation qui sert de titre à l’un des chapitres : « J’aime être gourmande. »

« La tentation du passé »

Dans ce chapitre, un des plus intéressants et émouvants du livre, l’auteur analyse les rapports entre Proust et Colette, mais surtout entre leurs œuvres. Il met en évidence les similitudes entre leurs écritures : « la première personne, les sensations, la mémoire, la métaphore, et la forme que l’on nomme aujourd’hui autofiction, dont il pourrait tous les deux revendiquer l’invention. […] Proust et Colette ont donné à la littérature française le monde de l’enfance, l’étoffe de la sensation, l’émotion de la mémoire. »

L’érudition mise au service de la vulgarisation repose sur de nombreuses citations tirées de l’œuvre mais aussi de la correspondance de Colette, ce qui crée une sorte d’addiction chez le lecteur qui a envie d’une dose plus forte et se replonge, dès la fin de sa lecture, dans les livres de Colette. Elle affectionnait comme son père les fournitures de bureau. Passant cinq jours à New York en 1935, elle visita l’usine Parker plutôt que les musées. Le bleu est sa couleur, ce qui donne lieu au dernier chapitre, à la fois très émouvant et éblouissant de citations et de notations.

Ce petit livre paraît à point nommé, au seuil de l’été et en pleine urgence écologique, pour nous rappeler la saveur et la valeur irremplaçables du monde, des plantes, des animaux, de la mer, du soleil, magnifiés par Colette, « notre grande charmeuse de mots », comme l’appelait Fernand Vandérem en 1932.