Quatorze essais féministes au vitriol qui vilipendent – entre autres – les hommes, l’Amérique et Donald Trump.
L’écrivaine anglo-américaine Lucy Ellmann est avant tout connue en France pour son œuvre de romancière, grâce à la traduction en 1995 de Petits désastres de la vie ordinaire, suivi en 2020 de Les Lionnes, un roman-fleuve qui a connu un grand succès outre-Manche.
Des Américains et des hommes
En 2022, elle publie un recueil d’essais intitulé Les Choses sont contre nous. Dans une perspective résolument féministe, elle livre quatorze essais au vitriol, s’en prenant principalement aux hommes, à l’Amérique et à son avant-dernier président, Donald Trump. Elle n’a de cesse de dénoncer leur impact délétère sur les femmes et l’environnement, qui découle de leur passion pour la violence, les technologies nuisibles ou les énergies fossiles et nucléaire. Comme elle le résume en majuscules dans son essai « Ah, les hommes » : « LES HOMMES ONT POURRI LA VIE SUR TERRE. »
L’un de premiers chapitres revient sur l’incompréhension que suscite l’Amérique pour sa citoyenne, désormais habitante d’Édimbourg depuis plusieurs décennies : « Pourtant, les Américains continuent d’affirmer que l’Amérique est géniale. Ils continueront de saluer leur pays en ruine jusqu’à ce que toute cette contrée soit jonchée de cadavres, de croix gammées et de déchets radioactifs. Ils se réfugieront sur les toits, y organiseront des barbecues, parleront de Dieu, de voitures, d’ovnis et de télé-achat jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’autres formes de vie que des insectes résistants au DDT. »
Grève générale féministe et éloge de l’immobilité
L’essai « Trois strikes » peut se lire comme un hommage contemporain et moins policé à celui de Virginia Woolf « Three Guineas ». Lucy Ellmann recommande « trois formes de grève : la grève domestique, la grève du travail et la grève du sexe. […] Bien que le but ultime de ces trois grèves soit la suprématie féminine, chacune se concentrera également sur des causes annexes dans l’intérêt des femmes : (1) la justice environnementale et animale ; (2) la paix et le désarmement nucléaire ; et (3) vous l’avez deviné, l’appropriation par les femmes de la richesse, des biens et du pouvoir. Ces questions se retrouvent dans la lutte pour préserver la nature, la civilisation et les meilleurs aspects de la culture humaine. » À défaut, elle propose de lancer une grève des pizzas.
« L’art perdu du pas-bouger », écrit initialement avant la pandémie mais révisé et actualisé après cette dernière, questionne notre frénésie de déplacement, notamment en avion. Pour l’écrivaine, la « vérité, c’est que vous n’êtes pas obligé d’aller personnellement contempler chaque centimètre carré de la planète, quoi qu’en disent vos prétendus amis ou ce que vous lisez dans toute cette littérature pornographique sur les voyages. Après tout, la seule chose intéressante dans le voyage c’est de voir une nouvelle flore et une nouvelle faune, or on a massacré presque tout ça. Qu’y a-t-il au final de plus important que d’écouter Bach ou de lire Dickens ? L’humanité devrait être votre grande affaire, pas ces vacanceries hypnotiques. »
Enfin, dans ses différents essais, Lucy Ellmann exhorte inlassablement les femmes à reprendre le pouvoir des mains des hommes. Ou, à défaut, de prendre l’argent avant de partir (« Prends la galette, fillette »)…
Tout au long de ces pages, dont le style est bien rendu par la traduction de Claro, plus que l’humour – qui fait sourire jaune et donne ici raison à la formule selon laquelle l’humour est la politesse du désespoir –, c’est la rage et la fonction cathartique de la littérature qui dominent face à un monde qui ne tourne décidemment pas rond.