Existe-t-il un européisme propre au Nobel de littérature ? Et plus largement, quelles sont les valeurs qui président au choix des lauréats ? Telles sont les questions-clefs de ce volume collectif.

L’attribution du Nobel, avec le cortège de revendications et de fiertés qui l’accompagne, conduit chaque année à un réagencement de la carte européenne et mondiale des littératures – réagencement qui ne se fait pas toujours sans conflits. Prenons le cas de Herta Müller : faut-il considérer que le Prix Nobel est revenu, en 2009, à une écrivaine allemande d’origine roumaine, ou à une écrivaine roumaine germanophone (et dont l’allemand, soit dit en passant, est fortement teinté de roumanité) ? Ce qui ne fait pas de doute en tout cas, c’est que la course au Nobel est pour chaque pays/culture l’occasion d’essayer de faire entendre sa voix dans la symphonie mondiale des littératures (sinon dans la symphonie de la littérature mondiale).

Pourtant, tous les récipiendaires du Prix n’adhèrent pas à l’ethos propre aux représentants du macrosystème dont le Nobel dépend. Qu’il y ait un lien idéologique entre Nobel et européisme, cela ne fait pas de doute (même si les contours de cet européisme en constante évolution restent à définir – et c’est précisément l’un des buts de ce volume). Toutefois, une écrivaine comme Svetlana Alexievitch (Prix Nobel 2015), qui écrit en russe mais est née en Ukraine et vit en Biélorussie, prend ses distances à l’égard d’une Europe dont elle dénonce notamment l’ « attitude instrumentaliste » face à la crise écologique (et on sait à quel point la question environnementale est un sujet sensible pour l’auteure de La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse, 1997).

D’où cette question : à quoi ressemble l’Europe des Prix Nobel (celle dont, pour certains, ils sont les citoyens malgré eux, mais aussi et surtout celle qu’ils appellent de leurs vœux) ? Si c’est d’abord à l’échelle européenne que cet ouvrage collectif pose la question du rapport entre local et global, les articles qui le composent transposent la question à d’autres espaces supranationaux et l’élargissent à l’échelle mondiale, puisqu'on rencontre chemin faisant Octavio Paz, Gabriel García Márquez ou encore Bob Dylan.