A partir des souvenirs des témoins du passé et des photographies, Maryse Emel enchevêtre les récits et fait le portrait des habitants d'Aubervilliers.

Tout a commencé avec des rencontres, des mots, l'envie de se dire. D'être écoutés. Echapper non à l'oubli mais à l'indifférence. Des militants, des passionnés, des gens heureux de sortir de l'anonymat. Qui ne sont invisibles que pour ceux qui brillent trop. De leur quotidien, leurs désirs, leur colère, Maryse Emel a souhaité laisser une trace. Loin des discours généraux convenus sur la banlieue, en particuliers ceux des médias trop motivés par le sensationnel, celle qui est par ailleurs professeure de philosophie entreprend de sauver ces récits de soi.

Le premier ouvrage qu’elle publie rassemble les souvenirs de Nicole Neyt et Mario Niro. Cent quarante quatre ans que la famille de Nicole habite cette ville. D’un milieu pauvre, elle veut qu’on entende la voix de la fierté d’avoir grandi ici. Et sa joie. Son émotion aussi. Elle se souvient de l'attachement à la dignité de sa famille. Elle la porte encore en elle. Elle a contribué à l’ouvrage en partageant ses photos. Mario se rappelle ses origines italiennes, les insultes qui fusaient, et il évoque avec émotion la mémoire de Iaconelli, son petit cousin mort à dix-huit ans, au moment où il est transféré à Buchenwald.

Quel est le but de ces récits qui vont être poursuivis dans une prochaine publication ? Ils répondent au souci de montrer comment le récit tisse, non pas un devoir de mémoire, mais un champs de relations, une intimité entre les individus. Par l’ouverture à l’accueil, qui n'est pas celui des différences exclusives des uns et des autres, par le désir de donner sa forme et sa force à ce récit commun, naît la ville.

Histoire d’incurver ces lignes géométriques, faussement rigides, de l’architecture urbaine, que trace si bien l’oeil photographe de François Hiniger.

 

* Le livre est publié en édition indépendante. Vous le trouverez ici.