Usure du temps oblige, les témoignages des anciens combattants de la guerre d’Espagne deviennent rares et s’avèrent parfois problématiques.

Le témoignage de Franscico Garcia Berrea a été retrouvé par son fils dans les affaires de famille en 2010, soit 11 ans après le décès de son père. Composé initialement de plusieurs cahiers, le journal a été retravaillé (recomposé et coupé) par son fils, aidé d’un universitaire spécialiste de l’Espagne, Jean Franco. Ce manuscrit intéressant sur les combats pendant la guerre civile espagnole laisse en suspens des interrogations sur les conditions de sa rédaction et la recomposition initiale effectuée par l’auteur. Le journal permet de suivre le père de Salvador Claude Garcia de son enfance jusqu’à la Retirada et l’exil en France.

 

Terre sans pain et guerre civile

Franscico Garcia Berrera est né en 1908, dans une famille de paysans andalous. Ils vivent sur ces terres sans pain, magnifiquement illustrées au cinéma par Luis Bunuel. Franscico garde les troupeaux. Il apprend à lire et à écrire alors qu’il ne va pas à l’école. Obligé de faire son service militaire, il tente de devenir policier sans que l’on ne sache ni pourquoi, ni comment, puisque les débuts du journal ont été malheureusement un peu trop coupés. Devenu saisonnier, il rejoint le syndicat des ouvriers agricoles de tendance anarcho-syndicaliste, la Confédération nationale du travail. Lors du pronunciamiento du 18 juillet 1936, après deux jours de combats contre les franquistes, il quitte sa région natale après avoir tenté, en vain, de défendre son village. Pour échapper à la Guardia civile, il se cache, évite une arrestation et certainement une exécution sommaire en juillet 1936, entamant une marche folle de plusieurs dizaines de kilomètres.

 

Guerre sans fin

Il prend place dans les milices républicaines à Ronda dans la province de Séville puis part combattre sur le front. Il passe une grande partie de l’hiver 1936-1937 au sud de Malaga. Il décrit les phases d’attente des miliciens avant les combats et la rigueur de l’attente. La progression des nationalistes oblige son bataillon à quitter Malaga jusqu’à Motril, où il est blessé, sans qu’il soit possible de connaître la date exacte. De même, des questions surgissent ; il dit être envoyé à Madrid où il est incorporé dans l’armée régulière. Les éditeurs du journal auraient pu souligner que les milices ont été dissoutes depuis novembre 1936 et incorporées à l’armée régulière. Après un séjour dans la capitale, il reprend sa place sur le front andalou avant d’être envoyé sur celui d’Aragon. Il participe à la grande offensive de l’Ebre et est l’un des derniers à tenter de franchir le fleuve en 1938 mais son corps d’armée est repoussé côté catalan. Toute la fin de l’année 1938 constitue une forme d’attente d’un combat qui semble perdu d’avance face à la puissance de l’armée franquiste. En mars 1939, il connaît la retraite, les camps des Pyrénées. Il est interné à Barcarès puis transféré à Argelès, avant d’être libéré.

 

Zones d’ombre

Le livre est surtout un carnet de notes, analysant les combats, et un témoignage sur ses camarades tombés au front. Il montre la violence de la guerre civile et les massacres que subissent les Républicains. Il existe peu de passages sur la vie politique en Espagne, excepté la détestation des commissaires politiques communistes. Si Francisco Garcia Barrera décrit les espoirs d’un peuple en armes qui s’est levé contre la tyrannie un matin de juillet 1936, le journal aurait mérité un appareil critique digne de ce nom incorporé au texte plutôt qu’une note explicative finale mêlant des généralités et des informations plus ou moins précises. La publication de ce journal laisse plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses, ce qui est dommage au vu de l’itinéraire du diariste. De même, s’il est possible de sentir que les textes ont été écrits après les faits, il est impossible d’avoir une idée précise des conditions de sa rédaction rendant son exploitation difficile.