Un livre collectif pour faire le point sur les approches théoriques et critiques du clip.

Depuis sa migration massive sur YouTube au mi-temps des années 2000, le vidéoclip musical connaît un nouvel âge d’or. Conséquemment, le secteur des music video studies a actuellement le vent en poupe à l’échelle internationale. En témoigne ce livre collectif pluridisciplinaire centré sur la question de l’analyse interne des clips, dont tous les articles ont en commun le souci du « texte » lui-même – non seulement de son contenu, mais aussi de ses formes et de ses structures.

 

La musique au centre de l’attention

On y observe notamment une prise en compte insistante de la musique et de ses rapports avec l’image, effet bénéfique du pilotage de la publication par deux spécialistes des musiques populaires (Lori A. Burns et Stan Hawkins). S’il compte sur cet aspect quelques importants prédécesseurs – dont les livres personnels de Carol Vernallis (Experiencing Music Videos : aesthetics and cultural context, Columbia University Press, 2004) John Richardson (An Eye for Music : popular music and the audiovisual surreal, Oxford University Press) et Mathias B. Korsgaard, Music Video after MTV : audiovisual studies, new media and popular music, Routledge, 2017), que l’on retrouve parmi les contributeurs – l’ouvrage marque ici une avancée heureuse dans l’étude des clips, qui est trop longtemps restée l’étude des images des clips, la musique ayant souvent été ignorée, ou réduite à ses dimensions culturelles diffuses. Ici, au contraire, la part musicale des clips est régulièrement mise en avant, par des contributions portées par une véritable expertise musicologique. On peut y voir le reflet des progrès récents accomplis dans le domaine de la recherche en musicologie des musiques populaires, à l’intérieur duquel le systématisme « ethnomusicologique » (le fait de ne considérer ces dernières que comme des objets de pratiques sociales et culturelles, et non comme des « textes » dignes d’intérêt) est de plus en plus souvent contrebalancé par une attention portée aux compositions musicales elles-mêmes.

Même si des questions se posent encore à ce niveau (face à certains articles qui peinent à raccorder leurs complexes grilles d’accords sur les images, ou pour lesquels l’analyse de clips très illustratifs n’apporte pas une grande valeur ajoutée à ce que la musique dit déjà toute seule), la démarche est importante et fera date – cela d’autant plus que les analyses produites restent toujours accessibles aux lecteurs profanes. Ces derniers trouveront même dans l’ouvrage d’utiles méthodes pour aborder à leur tour la musique des clips, notamment dans l’article à tonalité autoréflexive de Carol Vernallis, méta-analyse du clip « Pretty Hurts » de Beyoncé (réal. Melina Matsoukas) dans laquelle l’autrice détaille chaque étape de sa réflexion face à l’objet, et prône les vertus d’une démarche esthétique progressive et raisonnée.

Cette insistance sur une approche analytique incorporant la musique constitue le grand intérêt épistémologique de l’ouvrage, qu’il s’agisse de relire des clips déjà très fameux et ultra-commentés (« Walk this way » de Run DMC/Aerosmith, réal. Jon Small, 1985 ; « Bachelorette » de Bjork, réal. Michel Gondry, 1999 ; « Anaconda » de Nicki Minaj, réal. Colin Tilley, 2014 ; « This is America » de Childish Gambino, réal. Hiro Murai, 2018), ou d’explorer des corpus plus neufs et originaux.

Sur ce dernier aspect, citons notamment : l’article de Jamie Sexton sur l’œuvre de deux réalisateurs (Steve Hanft et Danny Perez) officiant dans les branches dites « indépendantes » de l’industrie musicale (pour leurs clips) et cinématographique (pour leurs films de fiction), qui étudie la façon dont se construit, par un système d’échos, une œuvre à cheval entre les deux médias ; celui de Lori A. Burns sur un clip de death metal mélodique, « Uniformity » de Dark Tranquility (réal. Patric Ullaeus), genre musical dont les productions vidéo ont rarement été abordées jusqu’ici dans la recherche ; celui de Lisa Perrott sur des clips non-officiels de chansons de Radiohead réalisés par des animateurs/amateurs, qui questionne le statut médiatique de ces productions typiques de la prosumer culture et la façon dont elles trouvent à s’inscrire dans la galaxie artistique et promotionnelle des artistes musicaux ; ou encore ceux de Norma Coates (sur l’éphémère émission de variété-rock états-unienne des années 1960 Hullabaloo) et de Karen Fournier (sur les productions audiovisuelles ayant accompagné la vague punk à la fin des années 1970 en Grande-Bretagne, notamment le long métrage Jubilee de Derek Jarman) qui portent l’attention du côté des ancêtres du vidéoclip, et dont l’intérêt historique compense le relatif décalage par rapport à la direction générale de l’ouvrage – un décalage qui ne se résorbe qu’à la condition d’adopter, au risque d’une certaine dilution sémantique, une définition particulièrement large de ce que l’on appelle music video.

Au fil du livre, on croise des styles d’analyses très divers : certaines sont fortement problématisées ou dialectisées, d’autres restent à un niveau plus littéral et descriptif ; certaines sont présentées de façon linéaire (l’analyse se déroule dans l’ordre chronologique d’apparition des phénomènes visuels et sonores), d’autres sont organisées selon des axes thématiques justifiant des allers et retours dans la structure du clip ; certains articles entrent d’emblée dans l’analyse et partent des questions que posent les clips étudiés, d’autres n’y viennent qu’après des développements théoriques généraux pour lesquels les clips analysés font plutôt figure d’illustration ; etc. Dans tous les cas, l’ouvrage se révèle un outil précieux pour faire le point sur les grandes tendances de la recherche sur le clip, sur ses dynamiques et ses avancées, comme sur ses impasses et ses points d’achoppement.

 

Qui est l’auteur d’un clip ?

On y constate ainsi un sensible infléchissement de la domination du paradigme star-as-author dans les études sur le clip. Certes, la moitié environ des articles de l’ouvrage ne mentionnent pas le nom des réalisateurs, célébrant implicitement, et en accord avec les présupposés de l’industrie culturelle, l’« auteurité » exclusive (et souvent fabriquée) des artistes musicaux : c’est le cas, par exemple, de l’article de Laura McLaren sur les lyrics videos de Katy Perry (qui ne rend pas forcément service à la star en lui attribuant ainsi l’ensemble d’un processus créatif d’une grande platitude). Mais d’autres articles prennent en compte de façon plus insistante l’importance de la contribution des réalisateurs, que ce soit en les plaçant au cœur même de leur problématique (comme l’article de Jamie Sexton cité plus haut ou, de façon plus attendue, celui de Jem Kelly sur le « super-auteur » Michel Gondry et ses clips-palimpsestes), ou en leur attribuant une part substantielle de responsabilité créatrice dans l’œuvre analysée (comme le font Lori A. Burns ou Carol Vernallis à l’égard de Patric Ullaeus et Melina Matsoukas).

Certes, la postérité du concept de persona musicale (l’idée qu’un artiste existe à la fois en tant qu’être humain individuel, personnage médiatique et personnage dans une chanson) de Philip Auslander, exposé par lui-même dans sa contribution et repris par plusieurs autres articles, permet de contourner en partie ce débat sur « l’auteurité », en faisant du nom de la pop star une notion englobante, au-delà de la mention directe de sa personne réelle. Mais là encore, on pourrait discuter, en prenant en considération le fonctionnement de l’industrie musicale, du degré d’intervention et de maîtrise des artistes musicaux sur ce processus de construction de leur persona, éminemment variable selon les cas.

Si le contrôle opéré par l’artiste expérimentale Laurie Anderon sur son œuvre multimédia (analysée par John McGrath), celui du chanteur/compositeur David Bowie, un artiste ayant toujours accordé une attention extrême à ses apparitions visuelles, sur son clip-testament « Blackstar » (analysé par Tiffany Naiman), ou encore celui des musiciens de Gorillaz sur leur concept musico-visuel transmédiatique (décrit dans l’article de Cristofer Jost), est manifestement important, il n’en est peut-être de même dans le cas de pop stars marketées à l’extrême comme Katy Perry ou Nicki Minaj. Or, même l’approche de clips mainstream pourrait bénéficier d’une plus grande prise en compte de l’intervention des réalisateurs. Cela permettrait par exemple de mettre en lumière tout ce qu’un clip comme le « Anaconda » de Nicki Minaj (2014) doit à son réalisateur Colin Tilley, un des clipeurs mainstream les plus prolifiques des années 2000, et dont il est visible qu’il a au moins autant emmené Nicki Minaj (une popstar à l’identité visuelle très forte) sur son terrain esthétique que l’inverse.

Notons que l’enjeu ici n’est pas seulement idéologique (quelle vision du clip veut-on défendre ?) : quelles que soient nos positions à ce sujet, même si l’on considère que les clips ne sont pas des objets artistiques valables (comme dans les études postmodernistes des années 1980) ou que les aborder avec la catégorie esthétique traditionnelle de « l’auteur » serait incompatible avec leur nature de média populaire (comme dans les cultural studies des années 1990), l’étude du travail créatif et du parcours social de ses réalisateurs et réalisatrices (au-delà de la petite poignée ayant intégré le gotha du secteur et suscité reconnaissance et attention) a beaucoup à nous apprendre sur le secteur du clip, et sur la façon dont les réalisateurs et leurs équipes façonnent le style visuel des clips, contribuant d’ailleurs en cela à redéfinir la persona des artistes musicaux qu’ils filment, et pour lesquels ils font souvent office de modernes « peintres de cour ». Même si la perspective à ce sujet n’est pas maintenue tout du long, ce Bloomsburry Handbook nous amène donc plusieurs contributions décisives sur ce sujet.

 

Clips et politique des représentations

On constate aussi, à la lecture de ce Bloomsburry Handbook, que l’étude des clips en tant que site d’une « politique des représentations », espace privilégié de construction et de négociation des identités culturelles, est toujours aussi importante : un chapitre regroupant quatre contributions lui est consacrée, et de nombreux autres articles de l’ouvrage les incorporent comme une catégorie prioritaire de l’analyse. S’il y a d’excellentes raisons à la centralité de ces préoccupations (en tant que format médiatique populaire présentant un défilé permanent de corps pris dans des performances de genre, de race et de sexualité, le clip constitue un « objet idéal » pour les cultural studies), la lecture de ce Bloomsburry Handbook, qui intervient à la suite d’un grand nombre d’ouvrages et d’articles traitant de ces questions, peut laisser l’impression d’un certain manque de renouvellement théorique, même si quelques concepts issus d’évolutions sociales récentes (comme la catégorie du lumbersexuel, ou l’émergence des fat studies) amènent à modifier substantiellement les habituelles problématiques.

Il est intéressant d’observer, dans les articles relevant de ces approches, l’existence de certaines différences d’interprétation. Par exemple, d’un côté, Anna-Elena Pääkölä fait dans son article une lecture compréhensive du fameux et controversé clip « Anaconda » de Nicki Minaj, présentant en substance la star comme une héroïne des causes noire, féministe et body positive. Ce clip, selon elle, constitue une joyeuse et provocante affirmation d’agentivité et d’empouvoirement, à travers une extase corporelle émancipée des catégories policées du féminisme blanc, pour des performeuses noires non-minces pratiquant le twerk (danse mettant en valeur des mouvements du fessier).

Cette interprétation, déjà défendue par d’autres études citées par l’autrice, se défend tout à fait, même si on pourrait avoir envie de la nuancer un peu, en mettant en avant la dimension fétichiste des gros plans anatomiques sur les fessiers en action (soulignant de façon assumée l’habituel cliché sur l’hypersexualisation des femmes noires), l’aspect douteux du décor de tribu primitive qui entoure ces performances (mettant en avant un code « colonial » à interroger), et le mélange mercantile entre la promotion par ce biais du produit musical (la chanson et l’album) et celle de produits de grande consommation faisant ici l’objet de placements sous forme d’inserts (enceinte portable, bière exotique, boisson énergisante), qui renvoie à des stratégies publicitaires dans lesquelles le corps féminin est, traditionnellement, davantage instrumentalisé que libéré. Au fond, il semble que si la critique penche ici du côté positif ou négatif, ce sera en fait selon le degré de conscientisation et de jeu parodique sur les codes de la culture populaire que l’on attribue au clip d’« Anaconda » et à la star musicale qu’il met en scène ; et Pääkölä n’est particulièrement pas avare sur ce point vis-à-vis de Nicki Minaj.

Dans l’article suivant, Stan Hawkins et Tore Störvold font en revanche une lecture très à charge du clip de Justin Timberlake, « Man of the woods », dont ils se servent pour déconstruire avec vigueur certains codes contemporains participant de la domination sociale des hommes blancs hétérosexuels : ici l’imagerie du retour à la ruralité serait, selon les auteurs, instrumentalisée pour romantiser ce rôle dominant. Si l’intention déconstructrice est tout à fait louable, elle ne peut tenir ici qu’à la condition d’effectuer une analyse très littérale du contenu d’un clip dont le style est pourtant manifestement tout aussi ironique et distancié que celui d’« Anaconda ». Outre le fait que le jeu comique et léger de Timberlake semble contradictoire avec la prise au sérieux du rôle « lumbersexuel » qu’il incarne (quand bien même la star aurait initié, dans la vraie vie, un retrait domestique à la campagne), et que le décalage entre son variété-funk urbain et les arrière-plans bucoliques saute aux yeux et aux oreilles, la critique cinglante proposée par les auteurs au prétexte que le clip donnerait une vision artificielle et fantasmée de la nature nous semble surprenante.

Non que l’observation soit fausse : il s’agit bien d’un pastoralisme de convention, servant de décor à un spectacle musical, comme dans certains Soundies, certains classiques de la comédie musicale hollywoodienne (Brigadoon de Vincente Minnelli, La Mélodie du bonheur de Robert Wise), et comme dans un grand nombre de clips avant celui-ci. Mais cela revient un peu à reprocher au clip d’être un clip, c’est-à-dire une forme brève et (quasi-)exclusivement musicale, à l’artificialité assumée. Si on admet volontiers que d’autres propositions audiovisuelles (par exemple, les longs métrages du courant du contemporary contemplative cinema travaillant sur le temps long, l’attention aux phénomènes bruts, le silence et l’impact sensible des bruits de la nature) donneraient une image plus réaliste et approfondie de la nature que le clip de « Man of the woods », on aimerait savoir quels autres clips rempliraient mieux, aux yeux des auteurs de l’article, cette fonction écocritique qu’ils lui reprochent de ne pas tenir. Bref, il semble que la (nécessaire) perspective critique sur la domination masculine, posée comme postulat introductif à l’analyse de ce clip, conduit ici à un relatif forçage interprétatif, et à un verdict critique d’une sévérité ne correspondant que lointainement au registre stylistique et expressif de l’objet analysé.

Ainsi, la lecture conjointe des analyses de « Anaconda » et « Man of the woods » amène à se demander ce qui justifie une telle différence de traitement dans l’interprétation de ces deux clips se situant a priori dans le même registre de l’artificialité assumée, de la parodie et du jeu avec les codes de la culture populaire. Pourquoi accorder à l’un le privilège du second degré et de la réflexivité, tandis que l’autre se trouverait relégué au statut d’expression ingénue du patriarcat ? La réponse, bien sûr, liée au caractère collectif de l’ouvrage, est que ce sont des auteurs différents qui ont produits ces analyses. Mais leur juxtaposition dans l’ouvrage est aussi l’occasion, par effet de montage, de réfléchir sur les fondements de l’attribution ou non des vertus de l’agentivité consciente et des vertus d’empouvoirement selon les « auteurs » identifiés d’objets culturels plus ambigus et complexes qu’il ne le semble au premier abord.

 

Le clip comme paradigme intermédial

Une tendance plus nouvelle de l’ouvrage concerne l’approche des clips à travers les études médiatiques, auxquelles l’ouvrage consacre une partie entière comportant quatre articles traitant d’« intertextualité », de « multimodalité », de « remédiation » et de « transmédia » – mais on en trouve mention dans plusieurs autres articles (notamment dans celui de Tiffany Naiman sur le réseau intertextuel du clip symboliste « Blackstar » de David Bowie). Si le clip, par son caractère hybride (musique et images) et ses liens avec d’autres formes d’existence médiatique des artistes musicaux (pochettes de disques, concerts, films), constitue un objet de choix pour illustrer ces théories, il nous a semblé que c’étaient souvent ces dernières qui étaient les objets principaux des articles, davantage que les clips eux-mêmes, pour la compréhension desquels elles n’apportent pas une valeur ajoutée décisive par rapport aux traditionnelles catégories postmodernistes de la citation et de l’hybridation.

Pour le dire autrement, le rapport entre la complexification conceptuelle de l’approche et ses résultats effectifs en matière de description et d’interprétation des clips ne paraît pas toujours déterminant. Il peut aussi être questionné théoriquement lorsqu’il amène à maintenir le clip au rang de forme-patchwork (ce que l’on vérifie à travers des analyses qui décomposent de façon chronologique la musique, les paroles et les images, en les considérant de manière isolée), et à négliger ses puissances propres de composition (l’alliage musico-visuel, c’est-à-dire la musique comme source de la composition et du mouvement des images) – un peu comme si on avait continué à n’étudier le cinéma que comme un assemblage de jeu d’acteur théâtral, de langage verbal romanesque, de photographie en mouvement, ou comme la rencontre entre les différents spectacles qui l’ont précédé (théâtre, café-concert, etc.), sans prendre en compte ses puissances autonomes (comme le montage).

 

Technostalgie

Ce sont là des grandes tendances que l’ouvrage confirme, en les infléchissant néanmoins, grâce à son ouverture déterminante à d’autres directions de recherche. On peut citer notamment l’analyse des « médiums » du clip, à rebours du présupposé de leur transparence, effectuée dans son article par Robert Strachan. Ce dernier étudie, dans une perspective de matérialisme technologique, la réappropriation et l’exhibition d’effets de matières d’images issues de médiums antérieurs (film Super 8, vidéo analogique) dans les clips de l’ère numérique, où ils deviennent des marqueurs de temporalité et d’authenticité. Cette réflexion sur les puissances symboliques et signifiantes des matières de l’image permet d’aller à l’encontre de la vision postmoderne du clip comme un média totalement déshistoricisé. Elle se révèle particulièrement adaptée au domaine du clip, dans la mesure où les musiques populaires sur lesquels ce dernier prend appui sont elles-mêmes marquées par ce matérialisme technologique, cette « technostalgie », cette dimension sensorielle et émotionnelle des supports-matières de leur transmission, via les supports d’inscription (vinyle, CD, MP3) ou d’instrumentation (nostalgie pour les boîtes à rythme, les machines et les sons d’époques antérieures). L’article fait ainsi le lien entre l’esthétique super 8 des clips et la production lo-fi de certaines musiques indie (repérable notamment à leur timbre de guitare grésillant de type jangle pop ou shoegaze), depuis les premiers clips de REM jusqu’à « Archie Marry Me » d’Alvvays (2014), morceau type des productions lo-fi du musicien et réalisateur Chad VanGallen, que l’auteur analyse en profondeur.

Il donne également beaucoup d’autres exemples de cette tendance « rétro » dans la matière de la musique et des images, qui va souvent avec l’usage de lieux de tournage qui évoquent les vacances, les atmosphères de jeunesse ou d’enfance, ou encore des fantasmes de ruralité heureuse. Ces images « sales », tramées, en réaction à la perfection lisse des médias numériques qui aujourd’hui les transmettent à leurs spectateurs, questionnent ces derniers sur la « matière » visuelle et sonore de leurs propres souvenirs.

C’est ce bel exemple d’analyse conjointe de la musique et de l’image, associée à une phénoménologie du souvenir permettant d’ouvrir sur des questions plus vastes que le clip lui-même, qui nous a paru la contribution la plus décisive d’un ouvrage collectif forcément inégal (par nature), mais dans l’ensemble précieux par son recentrage sur l’analyse textuelle et son attention portée à la bande-musiques, longtemps négligées ou sous-représentées dans les études sur le clip.