Aubervilliers : les archives exposent et remontent jusqu’en 1843 pour se plonger au cœur de la construction du Fort d’Aubervilliers et de son histoire
Fort de son histoire, le Fort d’Aubervilliers ouvre ses portes au grand public pour une exposition inédite, du 17 septembre au 17 octobre 2020. Les Archives municipales d’Aubervilliers retracent l’histoire du site à travers la richesse des fonds d’archives.
Un lieu stratégique au destin militaire
Construit entre 1843 et 1846, le fort d’Aubervilliers fait suite au projet par Rodolphe Thiers, Ministre de Louis Philippe, de la fortification de la ville de Paris visant à la protéger de ses ennemis. À l'extérieur du mur d'enceinte, de son fossé et de sa contrescarpe se trouvait une bande de terre de 250 m de large : le glacis (photo à la une). Désignée comme zone non ædificandi (zone non constructible), elle fut occupée par des bidonvilles dès la fin du XIXe siècle, avec l'abandon de sa fonction militaire. Cette bande était désignée comme la Zone, les miséreux habitant là étant appelés les « zoniers », et péjorativement les « zonards », terme qui a subsisté. C’est un des 16 Forts du projet de fortification. Sa destination première est militaire.
De Vauban...
La fortification a pour but premier de protéger les hommes selon le Maréchal Vauban (1633-1707) initiateur des places fortes et fortifications à la suite des ingénieurs de la Renaissance. Les projets de fortification ne datent pas en effet de Vauban. Bertrand Gille dans son livre Les ingénieurs de la Renaissance (1964) raconte que la construction du château de Langeais commencée vers 1460, fut arrêté en 1465 : « On s’aperçut que cette architecture militaire n’était plus valable, qu’elle avait fait son temps ». L’invention de l’imprimerie en permettant une plus large diffusion des œuvres écrites, va contribuer dans le même temps à une plus large diffusion des travaux techniques, mathématiques... en un mot les humanités se déploient. Lesté de cet héritage,Vauban va ainsi pousser le roi à révolutionner la doctrine militaire défensive de la France en concentrant les places fortes sur les frontières du Royaume c’est la « ceinture de fer » qui protège le pays : le pré carré du roi. À l’intérieur du pays, où le danger d’invasion est moindre, les forteresses sont démantelées.
... à l'enceinte de Thiers
Le fort d’Aubervilliers fait partie de la ligne de forts qui vient doubler l’enceinte dite de Thiers, dans le système de fortification de Paris décidé en 1830 et dont les financements sont finalement votés en 1841. Enclavés dans le territoire de Pantin, les terrains ont été distraits à cette commune pour être rattachés à celle d’Aubervilliers en 1851. La construction du fort d’Aubervilliers fut décidée en 1842 et réalisée entre 1843 et 1846. Son plan correspond à un pentagone à cinq bastions. « L’entrée battue par les six casemates de flanc des bastions adjacents se fait entre deux pavillons de corps de garde précédés d’un réduit sur le chemin couvert. Des poternes existent sur les autres fronts du rempart. Ce dernier surmontait, entre les bastions 2 et 4, deux séries de treize casemates voûtées. La cour est occupée par deux grandes casernes. Les deux magasins à poudre de 160 m² de surface intérieure sont dans les bastions de gorge. Après 1874, deux magasins à poudre sont établis sous une longue traverse dans la cour » . Stratégiquement le Fort n’est cependant d’aucune utilité dans la guerre de 1870. La fonction du Fort est de plus en plus impuissante vis à vis de cette inflation des moyens de combattre.
Deux guerres mondiales
Pendant que les magasins Généraux situés à l’actuelle Porte d’Aubervilliers servent de grenier pour alimenter la Capitale, l'armée française a choisi le Fort pour y installer les Ateliers de Fabrication des Obus Toxiques. Ce lieu de production d’obus asphyxiants devient territoire d’expérimentation pendant l’entre-deux-guerres. C'était aussi un lieu de casernement où de nombreux appelés firent leurs classes. Ce fut le cas du célèbre Frédéric Joliot, époux d’Irène Curie.
La commune d’Aubervilliers, 56 000 habitants, voit arriver les Allemands le 14 juin 1940. Ils s’installent aussitôt au Fort mais viennent régulièrement en ville en rangs serrés pour procéder à leur toilette aux Bains-Douches après avoir laissé leurs fusils en faisceaux sur le trottoir mais sous la surveillance d’une sentinelle. Ils réquisitionnent l’entreprise de charcuterie La Nationale et les Magasins-Généraux dans lesquels sont entreposés les produits industriels et alimentaires destinés aux commerces parisiens. Ils s’en serviront pour stocker le produit de leurs achats et pillages avant de l’expédier en Allemagne.
File la métaphore
Est-ce par hasard que le Projet Métafort s’installe au Fort ? Zingaro et son spectacle équestre s’y installe aussi dans un univers qui n’est plus militaire.
Les jardins ouvriers construits au début du 20ème siècle dans le fort laissèrent place dans les années 70 à une casse automobile, une fourrière, un garage puis un lieu de vente de pièces détachées. Vendu en 1973 à l’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP), le fort est finalement transformé en gendarmerie en 1976, prénommée gendarmerie Hugel en hommage à un militaire plusieurs fois distingué. Puis d'autres projets....restés vains pour l'instant.
Le lieu résiste. Comme s'il vivait un autre temps. Comme s'il continuait à défendre sa mémoire.