Si le « burnout » tient souvent à un allongement insoutenable de la durée du travail, il peut également être le résultat des dysfonctionnements et de l’instabilité de son organisation.

Voici un livre original consacré au burnout. Original parce que ce n’est pas le témoignage d’un salarié dont le manager de proximité pratiquerait un management « toxique ». Non, original parce que c’est justement le témoignage d’un responsable des ressources humaines d’un grand groupe français, l’histoire d’un « RRH » qui a fini par se brûler les ailes, lesquelles ont mis plus d’un an pour repousser. Original également parce que cet ouvrage est écrit à la façon d’un recueil de nouvelles réunies en cinq chapitres, partant du témoignage personnel de son épuisement professionnel, pour aller au questionnement des processus qui peuvent mener à un burnout.

 

L’enjeu des conditions de travail

Xavier Ménard, Responsables de Ressources Humaines d’un grand groupe français, décrit dans ce livre ce qu’il appelle son « burning out». Il questionne le sens du travail et la souffrance psychique qui accompagnent l’épuisement professionnel.

Le premier chapitre est consacré à l’irruption des manifestations de son épuisement, « le jour J », celui où la plus simple des actions devient impossible à faire, quand tout s’effondre.

Le deuxième chapitre est intitulé « cause réelle et sérieuse », ce qui est un clin d’œil au Droit du travail qui indique l’obligation qu’a l’employeur de ne licencier à titre personnel que pour « cause réelle et sérieuse ».

La troisième partie quitte la question personnelle pour s’intéresser aux conditions de l’exercice du travail qui peuvent mener à cet épuisement professionnel. Car, si on ne pense au burnout que comme une surcharge de travail et donc un épuisement d’abord physique dû à des semaines de 50 heures, 60 heures et plus, alors on passe à côté du fait qu’il peut aussi survenir chez des salariés ne dépassant pas les 35 heures de travail hebdomadaire, mais aux prises avec des conflits de valeurs, des dissonances cognitives, émotionnelles, des dysfonctionnements organisationnels, etc.

C’est cette voie que Xavier Ménard interroge, celle de la vie même des entreprises. Il décrit les réorganisations incessantes qui font perdre le sens du travail, les changements de managers que les réorganisations imposent sans prendre en compte l’aspect humain de ces réorganisations, et le besoin de repères, d’identification de rôles suffisamment stables. Il discute alors cette gestion des ressources par tableaux Excel, qui oublie la part « humaine » de l’entreprise.

Bien loin de vouloir faire un procès à l’entreprise dans une dialectique manichéenne, l’auteur interroge ainsi le fonctionnement des entreprises, l’organisation matricielle et les conséquences possibles sur les « ressources humaines » lorsque leur spécificité est perdue de vue.

 

L’entreprise face au burn out

Ensuite, il aborde la question de la position des entreprises face au burnout, dont le Document Unique d’Évaluation des Risques qui doit prendre en compte les risques dits « psycho-sociaux ». Il s’interroge sur le possible conflit de loyauté que peuvent rencontrer toutes les personnes dédiées à la prévention des risques en entreprise, et qui seraient rémunérées par l’entreprise elle-même : préventeur, psychologue du travail, médecin du travail en service autonome. Conflit de loyauté, mais aussi conflit d’intérêt quand la rémunération du personnel de prévention est indexée à la « réussite » de sa mission préventive, la question de la réussite étant ambiguë… Il discute alors l’obligation de moyens et l’obligation de résultats dans une entreprise où la Qualité de Vie au Travail ne serait pas une des priorités, contre le bien des salariés et, bien évidemment par ricochet, contre le bien de l’entreprise elle-même !

Et il termine ce chapitre en indiquant que, selon lui, les salariés ne sont pas assez formés « sur les comportements à avoir sur les situations de burnout ». En effet, certains de nos voisins francophones ont des dispositifs de prévention primaire et de relai nettement plus développés, avec des « personnes de confiance » comme en Belgique.

 

La société face au burn out

Dans un chapitre de conclusion intitulé « et on fait quoi maintenant ? », Xavier Ménard élargit finalement la question du burnout à celle de la médecine du travail, de l’Inspection du travail, du Droit du travail et du Droit de la sécurité sociale face au burnout : qu’en est-il de sa reconnaissance en accident du travail, en maladie professionnelle ? Ici, Xavier Ménard ouvre aussi la question des oubliés du burnout : le conjoint, les enfants, la famille, les amis confrontés à l’effondrement d’un être aimé.

Au total, à partir du récit d’une expérience personnelle, le responsable des ressources humaines interroge de manière transversale les évolutions de l’organisation des entreprises et du travail, la conduite d’un changement dont le rythme s’est considérablement accéléré au prix d’impacts collatéraux et de dommages psychosociaux parfois lourds. C’est donc un ouvrage qui ne s’adresse pas seulement aux employés « burnoutés » qui chercheraient à retrouver le sens à leur expérience, mais aussi, et peut-être surtout, aux personnels d’entreprise en position de management et de direction.